ARSENE HOUSSAYE

LES DOUZE

NOUVELLES

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MADEMOISELLE SALOMÉ.

I

MADEMOISELLE SALOMÉ.


I

Ils valsaient avec emportement, mais avecabandon, ce qui est la grâce suprême de lavalse. Il y avait un peu de l'épervier qui enlèveune colombe. On lui en voulait presque, àlui, de sa rapidité vertigineuse, mais on voyaitbien que la jeune fille se livrait sans peur,enivrée par le tourbillon.

Et quand ce fut fini, elle lui dit, tout en sedégageant:

—Avec qui, monsieur, ai-je eu le plaisir devalser dans cette réunion selected?

—Oh! mon Dieu, mademoiselle, un nomridicule; je ne descends ni des croisés ni del'Oeil-de-Boeuf. Je m'appelle tout bêtementM. Arthur Dupont. Maintenant, si vous êtescurieuse de savoir ma profession, je suis auditeurau Conseil d'État, profession tout aussiridicule que l'est mon nom.

Un physionomiste qui eût étudié la figure dela jeune fille aurait bien vu passer un nuagesur l'enjouement passionné de la valseuse. Elleretombait sur la terre du haut de son envolementamoureux.

Arthur Dupont! porter dans le monde unnom qui n'est pas mondain, n'est-ce pas yparaître dans un habit mal fait, avec une cravatemal mise?

La jeune fille reprit son fauteuil avec un sourireimpertinent, se disant tout bas: «Auditeurau Conseil d'État! En effet, il a de grandesoreilles.»

Parti pris, car Arthur Dupont avait de joliesoreilles. C'était d'ailleurs ce qu'on peut appelerun joli valseur, qui ne déparait ni le monde oùl'on s'amuse ni le monde où l'on s'ennuie;profil à peu près correct, front lumineux, yeuxvifs, bouche spirituelle.

Sa valseuse était sévère; on peut bien s'appelerArthur Dupont sans encourir les foudresde la mode.. C'est que cette valseuse avaitété élevée par sa mère à jouer les Célimènes,celles qui n'aiment que leurs robes, leur éventailet leur beauté,—même quand elles ne sontpas belles. Il est vrai que celle-ci était bien jolie:figure parisienne à donner le vertige à ceux quin'ont pas couru les filles du demi-monde. Cequi surtout couronnait son air impertinent,c'est qu'elle portait un grand nom, que je masqueraiici par celui de Laure de Montaignac.

Une de ses amies la félicita d'avoir si bienvalsé avec un si bon valseur.

—Je ne m'en souviens pas, dit-elle d'un airdistrait.

Vint une autre valse. Elle prit un mauvaisvalseur; elle en faillit briser son éventail.Aussi Arthur Dupont fut-il le bienvenu quandil se présenta pour la troisième valse. Elles'avoua alors que le nom ne faisait pas l'homme. Cefut un si joli spectacle de les voir, elle et lui,valser en tourbillonnant, que tout le mondeapplaudit comme si on eût entendu chanter laPatti et jouer Sarah Bernhardt. Laure s'indigna.

—Me prend-on pour une comédienne? Jevalse pour moi et non pour la galerie.

Ceci se passait à l'ambassade d'Espagne.Le lendemain, autre fête chez Mme Mackay;nouvelles valses; les oreilles parurent moinsgrandes, le nom moins vulgaire, tandis que levalseur parut plus entraînant.

Cela continua toute la semaine, si bienque le bruit se répandit dans le monde queM. Arthur Dupont épousait Mlle Laure de Montaignac.

—Pourquoi pas? dit Arthur à Laure.

Mais Laure répondit à Arthur:

—Comment voulez-vous que je change monnom c

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