
Depuis la pseudo-découverte du Nouveau-Monde, par Christophe Colomb,deux pays de cet immense continent ont eu, au détriment des autres,le privilège de concentrer sur eux seuls la curiosité des chercheursd'aventures et la sympathie des penseurs.
Ces deux pays sont: le Pérou et le Mexique.
Deux causes ont, à notre avis, motivé cette préférence: d'abord, lamystérieuse auréole qui, jusqu'à ce jour, a enveloppé les fabuleusesrichesses que sont censé renfermer ces pays; ensuite, la civilisationavancée, trouvée par les conquérants espagnols dans ces contrées, etqui formait un contraste si frappant avec la barbarie complète danslaquelle étaient plongés les autres autochtones de l'Amérique.
Quoi qu'il en soit, les événements graves dont le Mexique a étérécemment le théâtre, en appelant plusieurs milliers de nos soldatssur ses rivages, ont de nouveau éveillé parmi nous une curiositéd'autant plus vive que, cette fois, nous sommes directement intéressésà connaître ce pays où depuis si longtemps déjà luttent vaillammentnos frères et nos amis, et qu'on nous a présenté sous tant de joursdifférents sans qu'aucun d'eux soit le véritable.
Nous ne prétendons, Dieu nous en garde, incriminer aucun des auteursqui ont écrit sur la matière; mais il est un fait d'une véritétellement mathématique que nul ne pourrait, non pas le révoquer endoute, mais seulement le discuter. Ce fait est celui-ci:
Si intelligent, si impartial que soit un homme qui parcourt un paysqu'il ne connaît pas et dont il ignore la langue, lorsqu'au bout d'unan ou de six mois de retour chez lui cet homme écrira la relation deson voyage, il est évident que, malgré lui, à son insu même, il auratout vu de travers, et que, par conséquent, substituant sans s'endouter ses propres sentiments et ses habitudes personnelles aux mœursqu'il prétend décrire, il faussera la vérité à chaque ligne et même àchaque phrase, et cela de la meilleure foi du monde.
Pour bien connaître un pays, il faut y être arrivé jeune, l'avoirhabité longtemps, et avoir été, par les circonstances, contraint devivre de l'existence des habitants, partageant leurs joies et leursdouleurs, et par cela même adopté pour ainsi dire par eux comme sion était un des leurs. Alors, mais alors seulement, on pourra écriredes récits véridiques sur ce pays, parce qu'on se sera complètementidentifié avec ses coutumes et qu'on ne craindra pas de se tromper.
L'auteur du récit qui va suivre a vingt ans habité l'Amérique, ce qui,à défaut d'autres avantages, lui donne sur ses devanciers celui depouvoir parler avec connaissance de cause du Mexique et des Mexicains,si calomniés, si méconnus, et cependant si dignes, à tant de titres, dela sympathie des hommes éclairés et des véritables penseurs.
Maintenant que nous avons exposé assez clairement, pour qu'ils soientbien compris, les motifs qui nous ont engagé à écrire cette nouvellehistoire sans plus longs préambules, nous entrerons en matière.
La journée du 9 juillet 1846 fut une des plus chaudes dont leshabitants de México aient gardé le souvenir. Depuis neuf heures dumatin jusqu'à cinq heures du soir, la chaleur fut tellement étouffanteque le sol semblait littéralement fumer.
Les Indiens eux-mêmes, cependant si aguerris contre cette températurede feu, n'osère