LES
POÈTES DU PEUPLE
AU XIXᵉ SIÈCLE
Poissy.—Imp. d’Olivier-Fulgence et Comp.
Par Alphonse VIOLLET
PARIS
LIBRAIRIE FRANÇAISE ET ÉTRANGÈRE
Place de la Madeleine, 24.
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1846
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TABLE |
La plupart des poètes du peuple qui figurent dans ce volumeappartiennent à la classe des artisans; quelques uns seulementn’exercent aucune profession manuelle; mais tous ont ce trait deressemblance qu’ils ne doivent leur illustration qu’à leurs dispositionsnaturelles et à leurs études propres. C’est à l’un ou à l’autre de cestitres, ou à ces deux titres réunis, qu’ils ont été admis dans cette{ii}collection. Tous, sans exception, sont des poètes de la nature. Mais ilne suffit pas d’être tailleur, maçon, cordonnier, pour y avoir droitd’entrée; il faut, avant tout, avoir fait ses preuves d’ignorance, etn’être sorti de cette ignorance que par des efforts personnels, sansautre guide que la vocation. Reboul et Hégésippe Moreau avaient reçutrop d’instruction pour prendre place ici. Nous avons dû épier avec unevive sollicitude les circonstances qui ont donné l’éveil à cettevocation, et, en les rapportant fidèlement, nous faisons assister noslecteurs à l’éclosion naturelle du génie.
Les événements de la vie commune ont une grande influence sur la vielittéraire de ces pauvres gens qui, pour la plupart, ne peuvent comptersur le pain du lendemain. Mais les anxiétés poignantes, la misère, lafaim même ne peuvent entamer que faiblement ces robustes natures,constamment vivifiées par la flamme de la poésie.
Le travail que nous publions ici sur ces poètes originaux nous vaudra,sans doute, les sympathies des hommes, assez nombreux aujourd’hui, quiplacent au dessus de tout, le triomphe du caractère et de{iii}l’intelligence. Il est à remarquer que ce travail procède d’unphénomène unique dans les annales littéraires de la France, de laréunion de vingt poètes nés sous le chaume des campagnes ou dans leséchoppes des villes. Cette irruption soudaine des classes laborieusessur le domaine privé de la littérature devait éveiller de puérilessusceptibilités, de ridicules jalousies. De là des antipathies calculéeset des hostilités ouvertes. La politique elle-même, cette Dianechasseresse des temps modernes, flaira la piste de ces audacieux intrus,et il ne tint pas à elle qu’ils n’aiguisassent quelques bonnes flèches.
Nos Poètes du Peuple, tous imbus du sentiment religieux, sont tousanimés d’un esprit de charité universelle. S’il leur arrive parfois dedéplorer leurs misères personnelles, ils s’oublient bientôt eux-mêmespour ne s’occuper que des souffrances de leurs frères; loin des’emporter contre la rigueur de leur sort, ils se montrent calmes,patients, résignés, parce qu’ils espèrent.
Ce livre offre donc une lecture essentiellement morale; il doit encoreexciter l’intérêt par la variété des événements de ces existences seméesd’épreuves et d’orages. Le récit est aussi animé par les citations de