HISTOIRE DE FRANCE
PAR
J. MICHELET
NOUVELLE ÉDITION, REVUE ET AUGMENTÉE
TOME DEUXIÈME
PARIS
LIBRAIRIE INTERNATIONALE
A. LACROIX & Cie, ÉDITEURS
13, rue du Faubourg-Montmartre, 13
1876
Tous droits de traduction et de reproduction réservés.
C'est sous Louis le Débonnaire, ou, pour traduire plus fidèlement sonnom, sous saint Louis, que devait s'opérer le déchirement et ledivorce des parties hétérogènes dont se composait l'Empire. Toutessouffraient d'être ensemble. Le mal, c'était la solidarité d'uneguerre immense, qui faisait ressentir sur la Loire les revers del'Ostrasie; c'était le tyrannique effort d'une centralisationprématurée. Plus Charlemagne s'en était approché, plus il avait pesé.Sans doute Pepin, et son père au marteau de forge, avaient durementbattu les nations. Ils n'avaient pas du moins entrepris de lesramener, diverses et hostiles qu'elles étaient encore, à cetteintolérable unité; unité administrative d'abord; mais Charlemagneméditait celle de la législation. Son fils consomma l'unité religieuseen nommant Benoît d'Aniane réformateur des monastères de (p. 2)l'Empire, et les ramenant tous à la règle de saint Benoît.
C'est une loi de l'histoire: un monde qui finit, se ferme et s'expiepar un saint. Le plus pur de la race en porte les fautes, l'innocentest puni. Son crime, à l'innocent, c'est de continuer un ordrecondamné à périr, c'est de couvrir de sa vertu une vieille injusticequi pèse au monde. À travers la vertu d'un homme, l'injustice socialeest frappée. Les moyens sont odieux; contre Louis le Débonnaire, cefut le parricide. Ses enfants couvrirent de leurs noms les nationsdiverses qui voulaient s'arracher de l'Empire.
L'infortuné qui vient prêter sa vie à cette immolation d'un mondesocial, qu'il s'appelle Louis le Débonnaire, Charles Ier, ou LouisXVI, n'est pas pourtant toujours exempt de tout reproche. Sacatastrophe toucherait moins s'il était au-dessus de l'homme. Non,c'est un homme de chair et de sang comme nous, une âme douce, unesprit faible, voulant le bien, faisant parfois le mal, livré à ce quil'entoure, et vendu par les siens.
Le saint Louis du neuvième siècle[1], comme celui du treizième, futnourri dans les pensées de la croisade. (p. 3) Jeune encore, ilconduisit plusieurs expéditions contre les Sarrasins d'Espagne, etleur reprit la grande ville de Barcelone après un siége de deux ans.Élevé par le Toulousain saint Guillaume, comme saint Louis par Blanchede Castille, il eut de même dans la religion la ferveur du Midi et lacandeur du Nord. Les prêtres qui l'avaient formé firent plus qu'ils nevoulaient; leur élève se trouva plus prêtre qu'eux et, dans sonintraitable vertu, il commença par réformer ses maîtres. Réforme desévêques: il leur fallut quitter leurs armes, leurs chevaux, leurséperons[2]. Réforme des monastères: Louis les soumit à l'inquisitiondu plus sévère des moines, saint Benoît d'Aniane, qui trouvait que larègle bénédictine elle-même avait été donnée pour les faibles et pourles enfants< BU KİTABI OKUMAK İÇİN ÜYE OLUN VEYA GİRİŞ YAPIN!
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