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L’ILLUSTRATION


Prix du Numéro: Un Franc.SAMEDI 7 NOVEMBRE 191472e Année.—No 3740.

UNE JOURNÉE HISTORIQUE DE L’AMITIÉ FRANCO-BELGE Agrandir

Le roi Albert et le président de la République française, suivis de M. Millerand, du général Joffre et de M. de Broqueville, pénètrentdans l’Hôtel de Ville de Furnes, à quelques kilomètres du front de combat, le 1er novembre.

Voir l’article, page 339.

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LES GRANDES HEURES


LES ANONYMES

Combien est grande la détresse du soldatqui n’a sur sa tombe de bataille hâtivementcreusée et parée qu’une croix de bois où déjàs’efface une inscription devenue illisible! Etpourtant cette détresse est avantageuse encoreet privilégiée si vous la comparez à celle desmorts perdus, disparus à jamais, engloutis dansles profondeurs de l’immense inconnu, commele marin dans le sein des flots. Devant le petittumulus des premiers on peut au moins se dire:«Un homme est là qui est tombé pour son pays.Je ne sais pas quel il est... je sais qu’il est là.»Il ne m’en faut pas plus pour que mon espritse recueille et que le renflement de terre s’offreà mes deux genoux comme un parfait prie-Dieu...Mais s’il n’y a pas de tumulus, pas decroix, pas d’écriteau, même pas ce léger renflement,si vite affaissé et aplati, qui m’indiqueà moi, défunt de demain, la place du vivantd’hier et si cependant, malgré l’absence totalede signes extérieurs, quels qu’ils soient, je suisamené à me poser, dans le doute, la questionterrible: «Peut-être y a-t-il là des morts? oui...des morts dissimulés et que rien ne révèle?»...si je dois, en ce cas, les prévoir, les soupçonner,les chercher, les deviner et les trouver, dansune certitude uniquement morale, et les repéreren quelque sorte, partout et nulle part, contretoute apparence matérielle,... alors j’éprouveune espèce de mal affreux et d’angoisse désolée.Ces morts anonymes m’obsèdent. Je reconstitueleur obscure Iliade.

Pourquoi, plus que d’autres, étaient-ils vouésà la radiation complète, irrévocable? Est-ceexprès, intentionnellement qu’ils furent supprimés,sans que l’on en parlât, sans qu’aitété publiée la moindre mention publique deleur décès et du lieu de leur sépulture? Non!Si l’on n’en a rien dit, ce n’est ni par oublini par indifférence, mais parce qu’ilsétaient trop et qu’on n’a pas eu le temps! Ilsformaient un «ensemble», ils constituaient lechamp prodigieux et illimité de la future récolte,aussi sont-ils tombés par centaines, parmilliers, et bien davantage, comme se couchentsous la faux les innombrables épis, et, de mêmequ’eux, ils sont demeurés impersonne

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