ŒUVRES
COMPLÈTES
DE
LAURENT STERNE.

NOUVELLE ÉDITION AVEC XVI GRAVURES.

TOME PREMIER.

A PARIS,
Chez JEAN-FRANÇOIS BASTIEN.
AN XI.—1803.

Ce volume contient

La vie de l'Auteur;—des Mémoires particulierssur sa personne, sur ses ouvrages,sur l'origine de Tristram Shandy.

La première partie des Opinions deTristram Shandy.

Laurent Sterne

A Madame M. A. E. B**.m. d. p. t. n. * f. s. m. c. * s. b. a. p. m****.u***. à j*****.

L'amitié, Madame, vous faithommage de cette édition. L'Auteurvous l'eût offerte lui-même assurément,s'il eût eu, comme moi, leplaisir de vous connoître.

Recevez, Madame, les assurancesdu respectueux dévouement de

Votre t. v.

J.-Fr. Bastien, éditeur.

VIE
DE STERNE.

Laurent Sterne naquit dans la capitaled'Irlande. Il étoit fils d'un officier, etarrière-petit-fils d'un archevêque: un de sesoncles étoit prébendaire de la cathédrale deDublin: ce qui lui procura beaucoup de relationsavec le clergé.

Destiné lui-même à parcourir cette carrière,il entra fort jeune à l'université deCambridge, où il développa des talens particuliers.La gaieté de son caractère, la vivacitéde son imagination, son génie, les sailliesde son esprit, la tournure de ses idées l'annoncèrentde bonne heure.

Malgré toutes ces qualités, il vécut cependantquelque temps fort peu connu à Sulton,dans la forêt de Gastres. Son revenu étoittrès-modique, et ne consistoit que dans lesfoibles rétributions d'un vicariat qu'il avoitobtenu dans le comté d'Yorck.

Sans ambition, il seroit peut-être restétoute sa vie dans cette obscurité, si une occasionparticulière ne l'eût fait connoître.

Un de ses amis sollicitoit la survivanced'un bénéfice important, dont le titulairevouloit faire assurer les revenus à sa femmeet à son fils après sa mort. Sterne trouvaque c'étoit bien assez qu'il en jouît pendanttoute sa vie, et il se joignit à son ami pourempêcher cette substitution singulière. Maisils n'avoient ni l'un ni l'autre assez d'intrigue;leurs soins n'eurent aucun succès, et leuradversaire réussit. Sterne, piqué, chercha lesmoyens de se venger, il ne trouva que celuide faire une satyre contre le simoniaque. Elleopéra si vivement sur l'esprit de cet homme,qu'il fit prier Sterne de la supprimer. Celan'étoit pas possible, déjà elle étoit répandue;mais la crainte qu'elle ne fût suiviede quelqu'autre, fit le même effet. Le bénéficierrésigna son bénéfice à l'ami de Sterne,et cette aventure lui fit avoir à lui-même,sans la demander, une des meilleures prébendesde la cathédrale d'Yorck. Cet ouvrageétoit intitulé: Histoire d'un bon grosmanteau avec un tapabor de l'espèce la pluschaude, dont l'heureux possesseur ne seroitpas content, s'il n'en pouvoit couper assezpour faire une juppe à sa femme, et uneculotte à son fils.

Le vicariat de Sterne ne l'occupoit guèreque le dimanche matin. Il y faisoit l'officedivin avec la plus grande exactitude, et lesoir, il alloit prêcher dans la paroisse deStillington. Son canonicat lui donna d'autressoins, qu'il remplit pendant long-temps avecl'attention la plus scrupuleuse.

Etant un jour dans un café d'Yorck avecd'autres ecclésiastiques, un étranger d'uncertain âge y déclama vivement contre lareligion, et co

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