HENRI MAZEL

Ce qu’il faut liredans sa vie

ONZIÈME ÉDITION

PARIS
MERCVRE DE FRANCE
XXVI, RUE DE CONDÉ, XXVI

MCMXVII

DU MÊME AUTEUR

  • LE NAZARÉEN
  • LA FIN DES DIEUX
  • LE KHALIFE DE CARTHAGE
  • L’HÉRÉSIARQUE
  • LES AMANTS D’ARLES
  • ARCHYTAS ET MÉTAPONTE
  • LES AMAZONES

JUSTIFICATION DU TIRAGE :

Droits de traduction et de reproduction réservés pour tous paysy compris la Suède et la Norvège.

1

Un homme d’une quarantaine d’années (c’estla longueur moyenne de la vie) et qui, ayant toujoursaimé à lire, fait le compte rapide de cequ’il n’a pas lu, est frappé d’épouvante. Quoi !de tant de génies, de tant d’auteurs illustres, ilne connaît rien ! Et probablement ne connaîtra-t-iljamais rien, car avec la quarantaine arriveaussi la lassitude. Les enfants grandissent, lesdevoirs professionnels s’aggravent, la curiositéd’esprit baisse. Et puis parfois les yeux se fatiguent,la jeunesse est loin sous l’horizon. S’il n’apas lu les poètes, ce n’est pas à cet âge qu’il leslira. S’il n’a pas ouvert les philosophes, ce n’estpas alors qu’il voudra les ouvrir. Peut-être, s’ila conservé l’amour des livres, prendra-t-il detemps en temps dans sa bibliothèque un classique,ou, en s’apercevant, rouge de honte, qu’iln’a jamais lu Homère ou la Bible, se condamnera-t-il2 héroïquement à les avaler. Pauvre Bible !Pauvre Homère ! je parierais bien que pas unFrançais sur cent, même en ne parlant que deslettrés, ne les a lus !

Et pourtant, comme on a emmagasiné dephrases, à cet âge-là, pour peu qu’on n’ait pas euhorreur de l’imprimé ! Que de journaux, que derevues, que de livres du jour, que de comptesrendus, que d’inutilités ! Avec tout ce tempsperdu, on aurait pu connaître plus que ce qu’unhonnête homme se doit d’avoir lu chez les sienset chez les autres. Ici, que chacun se rappelleles derniers volumes qu’il a achetés ou empruntésà un ami bénévole. Assurément, quelqueroman à mention « vient de paraître », faderepasse à centième eau d’un chef-d’œuvre deBalzac ou de Flaubert qu’il ne connaît peut-êtreque de titre. Puis quelque recueil d’articlesde critique, Études et Portraits ou Essais et Mélanges,bavardage banal sur des médiocresqu’on a raison d’ignorer, ou sur de grands écrivainsmais qu’on ignore tout autant peut-être, etque le temps passé à lire justement ce bavardageempêche de connaître. Et encore, quelques Réflexionssur la situation présente ou Considérationssur le temps prochain, divagation aussi vaine,et seulement plus copieuse que les articles de3 journaux dont tout bon électeur se bourre pardouzaine chaque jour.

Oui, comme nous gaspillons le précieux, commenous dilapidons l’irréparable ! Et qu’il auraitmieux valu aller jouer aux boules que de se gaverla cervelle de tant de niaiseries ! Combien de groslivres dont il ne reste rien ! Combien de revuesà répétition (douze, vingt-quatre, cinquante-deuxdécharges à mitraille par an), revues d’ailleursréputées, pas de simples magazines, et quisont d’un vide navrant ! Un jour qu’on s’aperçoitqu’on ne les lit plus depuis quelques mois, on sedésole, on s’imagine arriéré, on entasse sur satable dix ou douze gros in-8, on les dépouille, laplume à la main, et on n’en a pas pour prendreune page de notes. Conclusion : trois ou quatresoirées fébrilement per

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