IL A ÉTÉ TIRÉ
Vingt exemplaires sur papier impérialdu Japonnumérotés à la presse.
Sceaux.—Imprimerie E. Charaire.
La tristesse des premières pluies, l'angoissedes jours plus courts et surtout deslongues et interminables soirées d'hiver, oùle cœur se sent si seul! toute la détresse decette saison d'adieux et des départs lesétreint et les détraque, les pauvres êtresmalades et mal armés contre la vie, que la[p. 3]fatigue d'exister déprime et que la névroseobsède.
Voici l'époque monotone où les nerfs desaimants et des sensitifs commencent à setendre douloureux et à vibrer écorchés, misà vif dans la mélancolie des couchants deturquoise et des ciels de vieux jade, ceshorizons délicieusement nuancés commed'anciennes étoffes, que les brumes d'octobredisposent au-dessus des silhouettes familièreset des coupoles connues des monumentsde Paris.
Oh! le gigantesque chandelier de la tourEiffel, se profilant à jour avec sa précisearmature de fer sur les coteaux rouillés deMeudon et de Sèvres, la laque verte trempéede rose de la Seine déjà crépusculaire oubien, là-bas, tout là-bas, dans un ciel ouatéde nuées couleur de duvet d'eider, avec çàet là des brisures de nacre, les tours deNotre-Dame apparues d'un violet d'améthysteéteinte, d'un violet de pierre rare,d'une douceur infinie, tandis que bombent et[p. 4]miroitent sous un coup de lumière les dômessatinés du Val-de-Grâce et du Panthéon!
Et la pénétrante humidité des avenues,leur frissonnement après l'ondée, le soldéfoncé et mou, la chute lente, comme d'unoiseau blessé, des premières feuilles mortes,les feuilles de platane surtout, toutes minceset déjà jaunes, et dans l'air cette odeur fadede fruitier et de moisi!
C'est l'automne.
Et les lourds camions, les fardiers setraînent cahin-caha le long des berges; desbrigades de terrassiers bouleversent lachaussée des boulevards, et les voitures dedéménagement, lamentables sous leur bâchetrempée d'eau et raidie—se suiventà la file à l'entour des gares, comme pourun enterrement.
C'est l'automne.
Dans les faubourgs populeux et mornes,les marchands de marrons ont rallumé leurpoêle, tandis que, dans la banlieue, les petitsjardinets de villa se pavoisent de fleursfunèbres, or rouillé des chrysanthèmes àcôté des velours tuyautés des dahlias et dubleu de renoncement des asters et, là-bas,sous ce rayon de soleil, le gris bleuté desardoises avivé par la pluie, comme il brillemélancoliquement!
Oui, la voilà bien la saison monotone oùles nerf