Le Mariagede Chiffon

Par
Gyp

Nelson
Éditeurs
189, rue Saint-Jacques
Paris
Calmann-Lévy
Éditeurs
3, rue Auber
Paris

GYP
(COMTESSE DE MARTEL DE JANVILLE)
née en 1850

Première édition du «Mariagede Chiffon» : 1894

A
MADAME MAURICE BARRÈS,
AFFECTUEUX SOUVENIR DE

GYP

Juin 1894.

LE MARIAGE DE CHIFFON

I

— Femme d'officier!… en voilà un métier!…j'aimerais autant être pion dans unlycée!…

La marquise de Bray haussa les épaules :

— Quand tu sauras de quel officier il est question…

— Quand même ça serait M. de Trêne, qu'ontrouve si chic, je n'en voudrais pas, ainsi…

— Tu n'en voudrais pas?… vraiment?… tun'as pourtant pas le droit d'être difficile, car…

— «… car ton père n'a laissé que des detteset tu n'as pas le sou…» Ah! je la connais, cettephrase-là!… tu me l'as répétée assez souventpour que je ne l'oublie pas, va!…

— Eh bien, alors?…

— Eh bien, j'ai beau n'avoir pas le sou…, jene me marierai pas de mauvais cœur…

— D'autant plus — dit timidement M. deBray — que, sans être riche, tu as cependantune dot…

— Une dot?… — fit l'enfant étonnée — unedot que toi tu me donnes, alors?…

Ses tendres yeux d'un gris très pâle, qui riaientà travers des cils bruns étonnamment longs ettouffus, vinrent se poser affectueusement surson beau-père.

Agacée, madame de Bray reprit d'un tonsec :

— Inutile de lui apprendre ce qu'elle n'a pasbesoin de savoir… et de la rendre encore plusdifficile…

— Comment, difficile?… — s'écria Coryse indignée, — difficileen quoi?… j'ai eu seize ans ily a trois mois… et personne n'a encore demandéà m'épouser, que je sache?…

— Si!… quelqu'un te demande… et tu refusesavant même de savoir qui…

— Parce que je ne veux pas épouser un officier…ça, jamais!… j'en vois ici, des femmesd'officiers!… il n'en manque pas dans les quatrerégiments… Eh bien, pour rien au monde, jene voudrais être à leur place!… je n'ai pas uncaractère à ça… je ne suis pas assez polie… jesens que si mon colonel avait une femme commemadame de Bassigny, par exemple… rien nepourrait me décider à lui faire des visites, rien!…

Et se tournant vers le fond du salon, commepour y chercher un appui, elle demanda :

— N'est-ce pas, j'ai raison, oncle Marc?…

Sans laisser à l'oncle Marc le temps de répondre,madame de Bray déclara :

— Ceci ne regarde pas ton oncle… veux-tu,oui ou non, m'écouter un instant?…

Et, d'un ton solennel :

— Celui qui te fait l'honneur de te demanderen mariage est le duc d'Aubières…

Elle s'arrêta, comptant sur l'étonnement desa fille. En effet, le petit visage chiffonné deCoryse exprimait une extrême stupeur. Madamede Bray prit cette stupeur pour un saisissementjoyeux et demanda, l'air triomphant :

— Eh bien, qu'est-ce que tu dis de ça?…

— Eh bien, — répondit la petite qui se mità rire, — je dis que j'en suis baba!…

Et sans s'inquiéter des regards menaçants desa

...

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