PAR
FRANÇOIS ARAGO.
Précédée d’une préface par
ALEX. DE HUMBOLDT
Et suivie d’une notice complétant l’histoire de sa vie et de ses travauxjusqu’à sa mort, d’après MM. Flourens, de l’institut, l’amiralBaudin, Combe, président de l’Académie, Barral et Ch.Deleutre, et sur des documents fournis par sa famille.
BRUXELLES & LEIPZIG,
KIESSLING, SCHNÉE ET Cie, LIBRAIRES,
RUE VILLA-HERMOSA, 1.
1854
Bruxelles. — Imprimerie de A. Labroue et Cie
50, rue de la Fourche.
Je remplis, avec trop de confiance peut-être et sansconsulter la mesure de mes forces, un douloureuxdevoir. Invité, par la bienveillance d’une famille quim’est chère, à placer quelques pages en tête de laCollection des œuvres de l’homme illustre dont l’amitié,pendant près d’un demi-siècle, a contribué aubonheur de ma vie, je devrais m’excuser sans doutede céder à une pareille demande ; mais il n’y a pointici de place pour les préoccupations littéraires ou lesréserves de la modestie : il s’agit de déposer sur unetombe récemment fermée l’hommage de mon admirationet de ma vive reconnaissance.
Les rapports intimes que j’ai entretenus pendantune si longue suite d’années avec M. Arago, monconfrère à l’Académie des sciences de l’Institut deFrance, la douce et constante habitude qu’il avaitde m’entretenir de ses travaux et de ses projetsscientifiques, m’ont procuré l’avantage d’observer deprès, je ne dirai pas le développement des facultés dece puissant esprit, mais leur application progressiveaux grandes découvertes qui lui sont dues. J’essaieraidonc, sans écrire un Éloge ou une Notice biographique,de mettre à profit la connaissance queje possède de tous les matériaux réunis dans la Collectiondes œuvres de M. Arago. Je rappellerai quellevaste étendue ont embrassée les travaux d’un seulhomme dans les différentes branches des connaissanceshumaines ; comment, au milieu de cette variétéd’objets, il tendait toujours vers un même but :à savoir, de généraliser les aperçus, d’enchaîner lesphénomènes qui avaient paru longtemps isolés, d’éleverla pensée vers les régions les moins accessiblesde la philosophie naturelle. L’action des forces, manifestéedans la lumière, la chaleur, le magnétismeet l’électricité, aussi bien que dans le jeu des combinaisonset des décompositions chimiques, appartientà la série des mystérieux effets sur lesquels lesbrillantes découvertes du XIXe siècle ont jeté uneclarté inattendue. Dans le champ de ces glorieusesconquêtes, M. Arago s’est placé parmi les grandsphysiciens de notre époque. À la fois ardent à découvriret circonspect dans les conclusions qui pouvaientdépasser la portée des résultats partiels, ilaimait surtout à indiquer les voies nouvelles parlesquelles on pouvait de plus en plus approcher dubut, et reconnaître l’identité des causes dans desphénomènes en apparence si divers. Si de la méthodesuivie par M. Arago on s’élève aux facultés puissantesqu’il mettait en jeu, on ne peut mesurer sansétonnement l’étendue qu’elles embrassaient. En mêmetemps qu’il reculait pour les savants les bornes de lascience, il avait un art merveilleux de répandre lesconnaissances acqu