EXPÉDITION AMUNDSEN-ELLSWORTH
par
roald amundsen
traduit du norvégien et adapté par
CHARLES RABOT
ALBIN MICHEL, ÉDITEUR
Comment Amundsen a-t-il été amené à entreprendreson vol audacieux au-dessus des banquisesen direction du Pôle ?
Quels sont les aspects caractéristiques de cesembâcles glacés ? Quels sont les phénomènes redoutablesdont ils sont le théâtre ? C’est ce qu’ilimporte d’expliquer pour la clarté du récit quenous offrons au public.
Après avoir conquis le Pôle Sud, le célèbreexplorateur norvégien résolut de s’attaquer àl’autre pôle de la terre et pour cela d’entreprendreune dérive à travers le bassin arctique, le vasteocéan situé au nord des continents, au milieuduquel passe le sommet boréal de l’axe de rotationdu globe. Cette étendue océanique est presqueentièrement recouverte d’énormes trains de glaçons,serrés, pressés les uns contre les autres,formant un obstacle insurmontable à la marchedes navires. Ces masses flottantes ne demeurentpas immobiles ; dans l’immense secteur comprisentre le détroit de Bering et le Groenland en passantpar le Spitzberg, sous la poussée d’un courantmarin, elles glissent lentement vers le nord-ouest,en direction du Pôle, puis, après être parvenuesdans les parages de ce point mathématique,descendent vers le sud-ouest, le long de lacôte orientale du Groenland, pour venir finalementfondre dans l’Atlantique autour de Terre-Neuve.
Ce sera l’éternel honneur de Nansen d’avoir eul’intuition géniale d’utiliser ce remarquable déplacementdes eaux pour pénétrer au cœur dubassin arctique. Monté sur le fameux Farm, ilse fit prendre, à l’ouest des îles de la NouvelleSibérie, dans la grande banquise polaire ; entraînéensuite par le courant avec ces glaces, il arrivaà 421 kilomètres du Pôle, un record sensationnelpour l’époque.
Afin de parvenir plus au nord que son illustrecompatriote, Amundsen reprit son programme,mais en le modifiant considérablement. Si, pensait-il,son devancier n’avait pas touché le butsuprême, c’est qu’il avait dérivé avec la partiepériphérique de la banquise, laquelle de touteévidence doit en passer fort loin. En conséquencele vainqueur du Pôle austral décida d’entrer dansles glaces au nord du détroit de Bering, c’est-à-direplus à l’est que ne l’avait fait Nansen, afind’atteindre la zone médiane du courant propulseur.Par cette manœuvre il espérait arriver àproximité du Pôle Nord.
Donc, au début de l’été 1918 Amundsen appareillaità destination du détroit de Bering sur unbateau construit en vue de résister aux plus rudesépreuves de la navigation arctique, le Maud. Acelle époque, quoique en décroissance, la guerresous-marine était encore redoutable ; dans lapensée de soustraire son expédition aux dangersd’une attaque, l’explorateur norvégien décida degagner le futur théâtre de ses opérations à l’extrémiténord-est de l’Asie, en longeant la côte septentrionalede l’ancien monde, à travers l’océanpolaire de Sibérie.
Cette navigation ne fut pour Amundsen qu’unelongue suite de cruels mécomptes. Deux mois seulementaprès son départ, il est bloqué par le