M. Ernest MULLER
LE PREMIER ET LE PLUS CHER DE MES MAÎTRES,
JE DÉDIE CE LIVRE
COMME UN FAIBLE TÉMOIGNAGE
DE MA RECONNAISSANCE ET DE MA FILIALE
TENDRESSE
L'histoire vraie et complète d'Isabeau de Bavièren'a jamais été écrite. En dehors des courtesétudes que lui ont consacrées Vallet de Virivilleet Le Roux de Lincy, l'on n'a, pour se renseignersur cette reine de France, que les récitsfantaisistes de conteurs ou de romanciers qui necitent point leurs sources, et pour cause. DansMichelet, dans Henri Martin, Isabeau, il est vrai,apparaît de temps en temps au cours des longuesannées du règne de Charles VI, mais presquetoujours, elle ne fait que traverser la scènecomme un personnage épisodique, de sorte quela vie de cette femme reste inconnue alors queson nom est légendaire. Tout le monde sait, engros, qu'à partir de sa trente-cinquième année,la «Reine Isabeau» devint un monstre de perversité:elle joua un rôle néfaste dans les luttes[Pg ii]des Armagnacs et des Bourguignons, elle pressala conclusion du traité de Troyes qui livrait lacouronne de France au roi d'Angleterre Henri V;elle déshérita et renia son fils Charles VII;—ledérèglement de ses mœurs aussi est fameux:celles-ci, paraît-il, étaient à la fois galantes etcruelles; mais la physionomie et le caractère dela princesse bavaroise qui, en épousant CharlesVI, fit un beau rêve si vite évanoui, ont étéà peine esquissés.
Il nous a semblé qu'il pouvait être utile etintéressant de combler cette lacune et nous noussommes proposé de dégager la figure d'Isabeaudes documents authentiques. Pour accomplircette tâche, avec quelque chance de succès, nousnous sommes inspiré de la méthode critiqueenseignée à l'Ecole des Chartes; nous avons, enquelque sorte, fait table rase de nos connaissancessuperficielles sur la question, et, tout ennous appuyant sur les travaux des historiensqui ont traité des XIVe et XVe siècles, nous avonspuisé aux sources originales, étudiant à fond leschroniques françaises et étrangères, les vérifiantl'une par l'autre, les contrôlant, pour ainsidire, par un examen comparé; nous avons compulséune grande quantité de documents d'archivespresque tous inédits; les écrits littéraires[Pg iii]composés à cette époque (œuvres poétiques etsatiriques) nous ont été aussi de quelque utilité.
Lorsque nous entreprîmes cet essai, nousn'ignorions, évidemment, aucune des controversesdont le personnage d'Isabeau a été lesujet; mais nous nous sommes tout de suite faitune règle absolue de l'impartialité la plus entière.On trouvera sans doute que, dans notrerécit, la part de l'imagination est trop r