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NOUVELLE BIBLIOTHÈQUE LITTÉRAIRE
ÉTUDES ET PORTRAITS LITTÉRAIRES
TROISIÈME SÉRIE
Octave Feuillet—Edmond et Jules de Goncourt
Pierre Loti—H. Rabusson—J. de Glouvet
J. Soulary
Le duc d'Aumale—Gaston Paris
Les Femmes de France
Chroniqueurs Parisiens
Henry Fouquier—Henri Rochefort
Jean Richepin—Paul Bourget
DEUXIÈME ÉDITION
PARIS
LIBRAIRIE H. LECÈNE ET H. OUDIN 17, RUE BONAPARTE, 17
1887
Tout droit de traduction et de reproduction réservé
Je ne pourrai jamais dire beaucoup de mal des romans de M. OctaveFeuillet. Ils m'ont fait tant de plaisir entre quinze et dix-huit ansque je leur en garde une reconnaissance éternelle et qu'il m'estencore difficile de les juger aujourd'hui en toute liberté. Il fallaitbien que Sibylle fût charmante puisqu'elle me charmait si fort, et queMarguerite Larroque fût adorable puisque je l'adorais. Et quant àBathilde de Palme, elle me troublait jusqu'aux moelles. Rien ne mesemblait plus beau, plus noble, plus passionné et plus élégant que ceshistoires d'amour. Ces sveltes amazones rencontrées dans les bois, sicapricieuses et si énigmatiques; ces jeunes hommes si beaux, sitristes et si prompts aux actes héroïques; ces vieilles châtelaines(p. 006) et ces vieux gentilshommes si dignes, si polis et si fiers;tout ce monde supérieurement distingué de ducs, de comtes et demarquis, cette vie de château et cette haute vie parisienne, cesconversations soignées où tout le monde a de l'esprit; et, sous lapolitesse raffinée des manières, sous l'appareil convenu des habitudesmondaines, ces drames de passion folle, ces amours qui brûlent et quituent, ces morts romantiques de jeunes femmes inconsolées..., amour,héroïsme, aristocratie, Amadis, Corysandre et quelquefois Didon enplein faubourg Saint-Germain, tout cela me remplissait de l'admirationla plus naïve et la plus fervente, et m'induisait en vagues rêveries,et me donnait un grand désir de pleurer.
Définir ce charme des premiers romans de M. Octave Feuillet, chercherce qui s'y est ajouté dans ses œuvres plus récentes et pourquoi jepréfère quand même les plus anciennes, tel est le dessein qui m'estvenu en lisant la Morte.
I
La plupart des romans de M. Octave Feuillet ont ceci de remarquableque ce sont des romans éminemment romanesques.
On sait que le roman, œuvre d'amusement et de pure imagination àl'origine, s'est transformé peu à peu, qu'il a serré de plus en plusla réalité, qu'il tend (p. 007) à devenir une peinture véridique etminutieuse de toute la vie contemporaine. Or, on pourrait presque direque cette évolution du roman a été non avenue pour M. Feuillet. Il esttrop évident que, venu après Balzac, il ne se doute même