MARGUERITE AUDOUX

L'ATELIER
DE
MARIE-CLAIRE

—ROMAN—

TREIZIÈME MILLE

PARIS
BIBLIOTHÈQUE-CHARPENTIER
EUGÈNE FASQUELLE, ÉDITEUR
11, RUE DE GRENELLE, 11

1921
Tous droits réservés
Copyright by Eugène Fasquelle, 1920.

IL A ÉTÉ TIRÉ DE CET OUVRAGE:

20 exemplaires numérotés sur papier de Hollande.

DU MÊME AUTEUR

Marie-Claire, roman. Préface d'Octave Mirbeau.(81e mille)(E. Fasquelle, éditeur)1 vol.

Paris.—L. Maretheux, imprimeur, 1, rue Cassette

L'ATELIER DE MARIE-CLAIRE

I

Ce jour-là, comme chaque matin à l'heure dutravail, l'avenue du Maine s'encombrait de gensqui marchaient à pas précipités et de tramwayssurchargés qui roulaient à grande vitesse vers lecentre de Paris.

Malgré la foule, j'aperçus tout de suite Sandrine.Elle aussi allongeait le pas et je dus courirpour la rattraper.

C'était un lundi. Notre chômage d'été prenaitfin, et nous revenions à l'atelier pour commencerla saison d'hiver.

Bouledogue et la petite Duretour nous attendaientsur le trottoir, et la grande Bergeounette,que l'on voyait arriver d'en face, traversa l'avenuesans s'inquiéter des voitures afin de nous rejoindreplus vite.

Pendant quelques minutes il y eut dans notregroupe un joyeux bavardage. Puis les quatreétages furent montés rapidement. Et tandis queles autres reprenaient leurs places autour de latable, j'allai m'asseoir devant la machine à coudre,tout auprès de la fenêtre. Bouledogue fut la dernièreassise. Elle souffla par le nez selon sonhabitude, et aussitôt l'ouvrage en main, elle dit:

—Maintenant il va falloir travailler dur pourcontenter tout le monde.

Le mari de la patronne la regarda de très prèsen répondant:

—Eh bé… Dites si vous grognez déjà!

C'était toujours lui qui faisait les recommandationsou les reproches. Aussi les ouvrièresl'appelaient le patron, tandis qu'elles ne parlaientde la patronne qu'en l'appelant Mme Dalignac.

Bouledogue grognait pour tout et pour rien.

Lorsqu'elle n'était pas contente, elle avait unefaçon de froncer le nez qui lui relevait la lèvreet découvrait toutes ses dents, qui étaient forteset blanches.

Il arrivait souvent que le patron se querellaitavec elle; mais Mme Dalignac ramenait toujoursla paix en leur disant doucement:

—Voyons… restez tranquilles.

Les colères du patron ne ressemblaient pas dutout à celles de Bouledogue. Elles étaient aussivite parties que venues. Sans préparation ni avertissementil se précipitait vers l'ouvrière à réprimander,et pendant une minute il criait à s'enétrangler, en supprimant la moitié des mots qu'ilavait à dire.

Cette façon de parler agaçait la grande Bergeounettequi se moquait et marmottait tout bas:

—Quel baragouin!

Le patron était le premier à rire de ses emportements,et comme pour s'en excuser, il disait:

—Je suis vif.

Et il ajoutait parfois avec un peu de fierté:

—Moi, je suis des Pyrénées.

C'était lui qui brodait à la machine les manteauxet les robes des clientes. Il était adroit etméticuleux, mais après quelques heures de travailil devenait tout jaune et paraissait écrasé defatigue

...

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