Traduites de l'espagnol sur le manuscrit inédit
PAR
CHARLES NAVARIN
A PARIS
Chez P. Jannet, Libraire
1853
L'éditeur se réserve tous droits de reproduction etde traduction.
Paris. Imprimerie Guiraudet et Jouaust, 338, rue S.-Honoré.
L'auteur de l'ouvrage que nous publionsaujourd'hui n'est pas complétementinconnu. Antonio Sinsalen parle dans sa Chronique deJaen, comme vivant encore de son temps, dansun âge très avancé, et comme étant célèbrepar ses voyages. Ambrosio Embustero enfait aussi mention dans les Hommes célèbresde l'Andalousie. Mais tous deux paraissentignorer l'existence de sa relation. Le manuscrit,qui paraît original, est un in-4o, fortmal écrit et rempli de ratures. Il m'a été vendupar doña Hermenegilda Ajo, qui tient, callede los Duendes, à Baeza, une des premièreslibrairies de l'Andalousie, à laquelle elle jointun commerce assez étendu de vieille ferrailleet de verre cassé. Il me coûte 12 réaux devellon. C'est au lecteur à décider si je l'aipayé trop cher.
Retiré dans ma ville natale aprèsavoir mené l'existence la plus orageuse,j'occupe les dernières annéesde ma vieillesse à écrire cette relation.J'ai parcouru les deux Indes, et concourupar mon épée au triomphe de la croix et àl'augmentation des domaines du roi notre seigneur,que Dieu protége. J'ai échappé à milledangers, grâce à la protection de Notre-Damed'Atocha, à laquelle ma mère m'avait vouédès mon enfance. Maintenant, vieux et cassé,sans récompense de mes services, retiré dansla petite maison de mes ancêtres, je n'attendsrien des hommes, et je n'ai plus confiancequ'en la miséricorde de Dieu et en l'interventionde Notre-Dame, ma protectrice et ma patronne.
Mon père, don André de Vargas, descendaitd'un des compagnons du vaillant roi Pelagequi se réfugièrent dans les montagnes des Asturies,plutôt que de plier sous le joug des ennemisde notre sainte loi; maints champs debataille furent teints du sang de mes ancêtres,sang versé pour la défense de notre sainte foicatholique, et dont il leur est sans doute tenucompte dans le ciel. L'un d'eux, Garci Perezde Vargas, accompagna le saint roi Ferdinandà la conquête de Séville: dans un combat salance se rompit; mais, arrachant une fortebranche d'un olivier voisin, il abattit tant demécréants, qu'il reçut le surnom de machuca(massue).
Un autre de mes ancêtres prit part à la conquêtede Jaen, et reçut pour sa récompensequelques terres aux environs de cette ville, oùma famille vécut long-temps dans l'aisance;mais don André, mon père, poussé par la noblessede son sang, dépensa presque tout sonbien au service des rois catholiques. Il se distinguadans les guerres d'Italie, et fut un despremiers qui plantèrent l'étendard de la croixsur les tours de l'Alhambra. Blessé grièvementdans cette occasion, il se retira dans sa patrie,n'emportant pour prix de ses exploits que sesblessures et la croix d'Alcantara, récompenseplus précieuse pour un gentilhomme espagnolque ne l'auraient été tous les trésors des rois