INTRODUCTION
PREMIÈRE PARTIE
DEUXIÈME PARTIE
TROISIÈME PARTIE
QUATRIÈME PARTIE
CINQUIÈME PARTIE
ROMAIN ROLLAND
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Histoire d’une Conscience librependant la Guerre
ALBIN MICHEL, ÉDITEUR
22, Rue Huyghens, 22—PARIS (14ᵉ)
Copyright by Librairie Ollendorff (1920)
Il a été tiré à part de cette édition
Trente exemplaires sur papier du Japon, numérotés de I à XXX.
Trois cent cinquante exemplaires sur vergé d’Arches
numérotés de 1 à 350.
Le sujet de ce livre n’est point la guerre, bien que la guerre le couvrede son ombre. Le sujet de ce livre est l’engloutissement de l’âmeindividuelle dans le gouffre de l’âme multitudinaire. C’est, à mon sens,un événement beaucoup plus gros de conséquences pour l’avenir humain quela suprématie passagère d’une nation.
Je laisse délibérément au second plan les questions politiques. Il fautles réserver pour des études spéciales. Mais quelques causes qu’onassigne aux origines de la guerre, quelles que soient la thèse et lesraisons qui l’étayent, aucune raison au monde n’excuse l’abdication del’esprit devant l’opinion.
Le développement universel des démocraties, mâtinées d’une survivancefossile: la monstrueuse raison d’État, a conduit les esprits d’Europe àcet article de foi que l’homme n’a pas de plus haut idéal que de sefaire le serviteur de la communauté. Et cette communauté, on la définit:État.
J’ose le dire: qui se fait le serviteur aveugle d’une communautéaveugle—ou aveuglée—comme le sont tous les États d’aujourd’hui, oùquelques hommes généralement incapables d’embrasser la complexité despeuples, ne savent que leur imposer, par le mensonge de la presse et lemécanisme implacable de l’État centralisé, des pensées et des actesconformes à leurs propres caprices, leurs passions et leursintérêts,—celui-là ne sert pas vraiment la communauté, il l’asservit etl’avilit, avec lui. Qui veut être utile aux autres doit d’abord êtrelibre. L’amour même n’a point de prix, si c’est celui d’un esclave.
De libres âmes, de fermes caractères, c’est ce dont le monde manque leplus aujourd’hui. Par tous les chemins divers:—soumission cadavériquedes Églises, intolérance étouffante des patries, unitarisme abêtissantdes socialismes—nous retournons à la vie grégaire. L’homme s’estlentement dégagé du limon chaud de la terre. Il semble que son effortmillénaire l’ait épuisé: il se laisse retomber dans la glaise; l’âmecollective le happe, il est bu par le souffle écœurant de l’abîme...Allons, ressaisissez-vous, vous qui ne croyez pas que le cycle del’homme soit révolu! Osez vous détacher du troupeau qui vous entraîne!Tout homme qui est un vrai homme doit apprendre à rester seul au milieude tous, à penser seul pour tous,—et, au besoin, contre tous. Pensersincèrement, même si c’est contre tous, c’est encore pour tous.L’humanité a