L'influence d'un livre

Philippe Aubert de Gaspé, fils

Dédié
à
Thomas C. Aylwin, écuyer
Par un admirateur de ses talents,
Et celui qui ose s'inscrire
Son ami sincère,
Ph. A. de Gaspé, fils
Ah! quand le songe de la vie sera terminé
à quoi auront servi toutes agitations,
si elles ne laissent les traces de l'utilité.

Volney

CHAPITRE PREMIER

L'alchimiste

C'était par une nuit sombre; un ciel sans astres pesait sur la terre, comme un couvercle de marbre noir sur un tombeau.

LAMENNAIS.

Sur la rive sud du fleuve Saint-Laurent, dans une plaine qui s'étendjusqu'à une chaîne de montagnes, dont nous ignorons le nom, se trouveune petite chaumière qui n'a rien de remarquable par elle-même;située au bas d'une colline, sa vue est dérobée aux voyageurs par unbosquet de pins qui la défend contre le vent du nord, si fréquentdans cette partie de la contrée. Autrefois cette misérable cabaneétait habitée par trois personnes: un homme, son épouse, jeune femmevieillie par le chagrin, et un enfant, fruit de leur union. Cet hommeque nous appellerons Charles Amand la possédait au temps dont nousparlons; en ayant éloigné ses autres habitants afin de vaquersecrètement à des travaux mystérieux auxquels il avait dévoué sa vie.C'était le 15 août de l'année 182-. Charles Amand était debout aumilieu de l'unique pièce que contenait ce petit édifice presque'enruine. D'un côté un méchant lit sans rideau; vis-à-vis un établide menuisier, couvert de divers instruments, parmi lesquels onremarquait deux creusets, dont l'un était cassé: aussi, différentsminéraux que Charles considérait d'un air pensif sur un âtre; au côtédroit de l'appartement, brûlaient, épars çà et là, quelques morceauxde charbon de terre. Près de l'âtre, sur une table, un mauvaisencrier, quelques morceaux de papier et un livre ouvert absorbaientune partie de l'attention de l'alchimiste moderne; ce livre était:Les ouvrages d'Albert le Petit.

L'homme dont nous parlons était d'une taille médiocre; son vêtement,celui des cultivateurs du pays; son teint livide et pâle, ses cheveuxnoirs et épars qui couvraient un beau front, son œil brun,presqu'éteint dans son orbite creux, tout son physique annonçaitun homme affaibli par la misère et les veilles. Il rassembla lescharbons, les souffla et y posa un creuset contenant différentsmétaux; et s'étant couvert la bouche d'un mouchoir, il se mit àl'ouvrage. Après un travail opiniâtre qui dura près de trois heures,il s'assit presque épuisé et, contemplant la composition nouvelle quise trouvait devant lui, il se dit à lui-même: travail ingrat! Faut-ilenfin que je t'abandonne? Ne me reste-t-il plus d'espoir? J'aipourtant suivi à a lettre toutes les directions, ajouta-t-il, enprenant le livre, oui: étain, zinc, arsenic, vif-argent, sulfate depotasse. Ah! s'écria-t-il, en regardant de plus près—soufre! Jel'avais oublié, et il se remit à l'ouvrage. Après une demi-heure detravail il tira du creuset une composition qu'à sa couleur on eûtprise pour du fer.—Malédiction! murmura-t-il, et il laissa tomber lanouvelle substance métallique. Peu importe, j'aurai recours à l'autrevoie, celle-là me réussira, j'en suis sûr; il me coûte d'en venir là;mais il me faut de l'or, oui: de l'or; et l'on verra si Amand seratoujours méprisé, rebuté comme un visionnaire comme un... oui, commeun fou; pourquoi me cacher le mot? ne me l'ont-il pas dit, ne mel'ont-il pas répété jusqu'à ce que j'aie été près de le croire; maisces mots de l'écriture: cherchez, vous trouverez, je les ai gravéslà (et il touchait sa tête); ils y

...

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