LAURENT TAILHADE

LE PAILLASSON

MŒURS DE PROVINCE

“LE LIVRE”
9, RUE COËTLOGON, PARIS
1924

Il a été tiré à part de cet ouvrage10 exemplaires sur Japon des ManufacturesImpériales, numérotés de 1 à10, 50 exemplaires sur Hollande VanGelder Zonen, numérotés de 11 à 60et 10 exemplaires de Collaborateurs,Hors-Commerce, sur divers papiers,numérotés de I à X.

Tous droits de reproductions réservéspour tous pays.

Copyright by « Le Livre », Paris, 1924.

AVANT-PROPOS

L’inintelligencedu lecteur sedevant présumer, nous voulonsbien élucider son titre auxacquéreurs de ce papier.

« Le Paillasson » fut ainsinommé pour ce qu’il servirad’intermédiaire à décrotter nos bottes, ô province,contre ton mufle détesté.


Avec les indigènes, croupiers, logeurs engarnis, marchands d’eaux tièdes, et autresinfirmes à qui l’on montrera leur béjaune,nous sacrifierons de quelques pinchenettesles touristes idiots, les baigneurs incongrus.Une fois au moins « la Reine des Pyrénées »à croppetons sur sa cagnotte, humera cevase et quoi qu’elle en tienne, exhibera sesparfums.

Les goîtreux folâtres ou pontifiants : crétinspolitiques, noblesse de comptoir, gouinesparvenues, cette mont-joie de faux dandiesqui, par Bigorre, épanouit ses truandes élégances,obtiendront une vitrine élue, en notremusée d’horreurs.

De ce que peuvent furibonder à nos chaussesles veillaques époussetés, nous ne daignonsavoir souci. Grognements de porcs, abois deroquets ou sifflets de vipères, cela ne nouschault plus qu’une guigne, et même il estpour nous complaire, qu’un peu de huée,contre-pointe l’honnêteté de nos propos.

Des pseudonymes transparents (de gazeet de barèges aérien), des pseudonymes vêtirontles syllabes répugnantes, par quoi furentimmatriculés aux registres sociaux les algonquinsà dégourdir nos épigrammes.

Savonnette précieuse et qui permet de nes’écorcher point le galoubet devant la ménageriebigourdane.

LAURENT TAILHADE.

I
VILLES D’EAUX

(Bagnères de Bigorre)

De tous les fumiers propres àréchauffer le goût de la prostitution,à gonfler d’unesève fécale les ventres arrondisen citrouilles devant ledieu Cent-Sous, de tous lespourrissoirs où la dignité se vertdegrise,où l’intellect se désagrège en des pensersde batracien, il n’en est point que je sachede plus méphitique, de plus nauséabondque les tannières généralement connuessous l’appellation humide : Villes d’Eaux.Pour la copulation du crétinisme avec lafilouterie, pour l’embrassement des pantalonset des sycophantes, ce sont bocagesd’élection, ces choses plantées sur la montagneou déposées au fil des grèves.

Les barons de la séquence, les tendronshydrargiriques, les calicots phanérogames,les galériens nantis de mouchoirs, les Agnèscompromises par de trop peu secrètesparturitions, les femmes du monde JeanLorrain, se viennent engluer aux appeauxde l’habitant aranéeux. Campements debohème aux pays de Misère, visites dela pègre transhumante chez les votereauxsuspects des mauvais lieux à piscines, quinombrera les immondices, de quoi vousêtes parfumés !

Certes le pays de Gascogne porte mieuxque tout autre un vif renom pour sestripots et ses lieux d’empoisonnement.

...

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