EDMOND ROSTAND
LE ROMAN SENTIMENTALET LE ROMAN NATURALISTE
Essai qui a obtenu à l’Académie de Marseillele prix du Maréchal de Villars en 1887
PARIS
LIBRAIRIE ANCIENNE ÉDOUARD CHAMPION
5, QUAI MALAQUAIS (6e)
1921
JUSTIFICATION DU TIRAGE
Il a été tiré de cet ouvrage : | ||
1000 | exemplaires | sur papier d’Arches ; |
50 | — | sur papier du Japon ; |
5 | — | sur papier de Chine. |
Qu’un écrivain célèbre ait débuté par des essais,qui n’ont aucun rapport avec le genre, qui a faitdepuis sa réputation, c’est là ce qu’on a eu l’occasionde voir plus d’une fois : Corneille écritd’abord des comédies, Pascal des traités scientifiques,Voltaire des tragédies, un poème épique ;plus proches de nous un Paul Bourget, un JulesLemaître font des vers jusqu’à leur trentième année,et ce Zola, dont nous allons tout à l’heure avecEdmond Rostand évoquer la figure, est entré dansla vie littéraire en apportant des contes sentimentaux.
Mais il arrive à l’ordinaire que cette premièreactivité — et c’est le cas de tous les écrivains queje viens de citer — s’est poursuivie durantquelques années et que les lettrés du moins n’enont pas tout à fait perdu le souvenir.
Or qu’on vienne leur annoncer aujourd’hui, jedis même aux mieux informés : « Edmond Rostanda débuté, non point, comme on l’a dit, parun vaudeville, ce qui est déjà du théâtre, mais parun essai critique en prose, et non pas sur deuxauteurs dramatiques, mais sur deux romanciers »,ils s’étonneront, s’informeront des conditions oùcet essai a paru, de son sujet, de sa valeur ; ilsvoudront des explications ; ces explications, en têtede ces pages, qui sont rééditées aujourd’hui par lessoins d’Édouard Champion, voici que je dois doncles donner à la curiosité du public.
Pour bien comprendre il n’est que d’évoquerun instant celle qui a formé le jeune génie d’EdmondRostand bien plus qu’il ne s’en est lui-mêmerendu compte et qu’on ne l’a dit en parlantde lui, la bonne fée penchée sur son enfance pourlui donner tour à tour les plus brillants des donspoétiques, je veux dire la Provence. Car c’est ellequi lui fournit à la fois l’occasion, le thème, lespersonnages de ce premier essai et les qualitésd’esprit qu’il fallait pour le bien traiter et qu’ildevait appliquer ensuite à de plus glorieux travaux.
On sait assez qu’Edmond Rostand est né àMarseille le 1er avril 1868, mais quand on adonné ce premier détail biographique, on passeet l’on en vient à considérer tout de suite le collégiende Stanislas ou le jeune auteur des Romanesques.Aujourd’hui soyons plus attentifs à sesorigines. Arrêtons-nous un instant à Marseille,devant cette maison de la rue Montaux, aujourd’huila rue Edmond Rostand, où cet enfants’éveille à la vie, devant ce vieux lycée où il prendcontact avec les poètes, devant cette Académie deMarseille qui lui tend sa première couronne.
Edmond Rostand est né à Marseille, non pointpar hasard comme cet Honoré d’Urfé qu’ilévoque à ses débuts, mais d’une vieille famillemarseillaise, et, mieux encore, provençale. Carc’est d’Orgon, ce gros village voisin de Saint-Remy,la patrie de Roumanille,