ANDRÉ GIDE

PHILOCTÈTE

LE TRAITÉ DU NARCISSE
LA TENTATIVE AMOUREUSE
EL HADJ

PARIS
ÉDITION DV MERCVRE DE FRANCE
XV, RVE DE L’ÉCHAVDÉ-SAINT-GERMAIN, XV

M DCCC XCIX
Tous droits réservés

DU MÊME AUTEUR :

André Walter (Les cahiers.Les poésies.)
épuisé.
Le Voyage d’Urien, suivi de Paludes
1 vol.
Les Nourritures terrestres
1 vol.
Le Prométhée mal enchaîné
1 vol.

Tiré à trois cents exemplaires sur vergé d’Arches,numérotés de 1 à 300.

EXEMPLAIRE No

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PHILOCTÈTE
ou
LE TRAITÉ DES TROIS MORALES

A Marcel Drouin.

Philoctète n’a pas été écrit pour le théâtre. C’estun traité de morale, que je joins à ces trois autrestraités, pour mieux montrer qu’il n’a pas de prétentionsscéniques.

Philoctète a paru dans la Revue Blanche du 1er décembre1898.

PREMIER ACTE

Ciel gris et bas sur une plainede neige et de glace.

SCÈNE I

ULYSSE et NÉOPTOLÈME

NÉOPTOLÈME

Ulysse, tout est prêt. La barque est amarrée.J’ai choisi l’eau profonde, à l’abri du Nord, depeur que le vent n’y congelât la mer. Et, bienque cette île si froide semble n’être habitée quepar les oiseaux des falaises, j’ai rangé la barqueen un lieu que nul passant des côtes ne pûtvoir.

Mon âme aussi s’apprête ; mon âme est prêteau sacrifice. Ulysse ! parle, à présent ; tout estprêt. Durant quatorze jours, penché sur lesrames ou sur la barre, tu n’as dit que les brutalesparoles des manœuvres qui devaient nousgarer des flots ; devant ton silence obstiné mesquestions bientôt s’arrêtèrent ; je compris qu’unegrande tristesse oppressait ton âme chérie parceque tu me menais à la mort. Et je me tus aussi,sentant que toutes les paroles nous étaient tropvite emportées, par le vent, sur l’immensité dela mer. J’attendis. Je vis s’éloigner derrièrenous, derrière l’horizon de la mer, la belle plageskyrienne où mon père avait combattu, puis lesîles de sable d’or ou de pierre, que j’aimaisparce que je les croyais semblables à Pylos ;treize fois j’ai vu le soleil entrer dans la mer ;chaque matin il ressortait des flots plus pâle etpour monter moins haut plus lentement ; jusqu’àce qu’enfin, au quatorzième matin, c’esten vain que nous l’attendîmes ; et depuis nousvivons comme hors de la nuit et du jour. Desglaces ont flotté sur la mer ; et ne pouvant plusdormir à cause de cette constante lueur pâle,les seuls mots que j’entendais de toi, c’était pourme signaler les banquises dont un coup d’avironnous sauvait. A présent, parle, Ulysse ! monâme est apprêtée ; et non comme les boucs deBacchus qu’on mène au sacrifice couverts desorn

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