LE
S A N G D E L A S I R È N E
CALMANN-LÉVY, ÉDITEURS
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DU MÊME AUTEUR
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LA CHANSON DE LA BRETAGNE, poésies (Ouvrage couronné par l’Académie française) | 1 vol. |
AU PAYS DES PARDONS | 1 — |
PAQUES D’ISLANDE (Ouvrage couronné par l’Académie française) | 1 — |
LE GARDIEN DU FEU | 1 — |
LE SANG DE LA SIRÈNE | 1 — |
Droits de reproduction et de traduction réservés pour tous les pays, ycompris la Hollande.
ÉMILE COLIN ET Cⁱᵉ—IMPRIMERIE DE LAGNY
E. GREVIN, SUCCʳ
ANATOLE LE BRAZ
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PARIS
CALMANN-LÉVY, ÉDITEURS
3, RUE AUBER, 3
NÉE EDMÉE CHAMPION
Je mets ce livre sous vos auspices, madame, d’abord parce qu’il nesaurait y en avoir pour lui de plus favorables, ensuite, parce que j’aitoutes raisons de croire que votre sympathie lui est d’avance assurée.Il évoque, en effet, des paysages qui vous sont chers à plus d’un titre,et des âmes qui, pour humbles qu’elles puissent être, vous ont toujoursparu mériter, par une sorte de noblesse native, qu’on s’y intéressât.
Elles vous sont presque aussi familières qu’à moi-même, ces Bretonnes dela mer ou de la montagne, dont j’ai tâché de peindre en ces pages lagrâce mélancolique et le charme voilé. Vous les coudoyez, chaque été, lelong des grèves éclatantes ou dans les étroits chemins ombreux, autour{ii}de l’oasis d’enchantement qu’un signe de vous a fait surgir des dunesembroussaillées de Beg-Meil. Les vieux manoirs, d’aspect historique, oùelles songent leur vie plutôt qu’elles ne la vivent, ont pour vous unattrait mystérieux. Volontiers vous en passez le seuil; volontiers, parles chauds après-midi de juillet ou d’août, vous vous y attardez dans leclair-obscur de la cuisine profonde qui mire les feuillages du dehorsaux battants de ses meubles cirés et garde, en sa pénombre quasisouterraine, je ne sais quelle troublante odeur d’autrefois. On vous yaccueille comme une «dame» des légendes, comme une fée. Quoi de plusnaturel, en un pays que les fées n’ont point abandonné, où les yeux deViviane sont restés ouverts dans l’eau des sources, où la blondechevelure de Morgane ondule aussi radieuse que jamais sur la mer qu’elleembaume!... Et les esprits ne vous sont pas moins hospitaliers que lesdemeures. Ils vous sentent confusément de leur parenté. Necommuniez-vous pas dans le culte du rêve avec cette race de rêveurs? Lalangue même, cette énigmatique langue bretonne, vieille comme les âges,n’est point entre eux et vous un obstacle. Vous en avez appris les motsessentiels, les doux vocables d’humanité qui seuls importent à ces cœursaffamés de tendresse. Un de leurs proverbes dit: «Plus vaut une poignéed’affection qu’une boisselée d’or.» Parce que vous êtes allée à