FABLES
DE
LA FONTAINE
ILLUSTRATIONS
PAR
GRANDVILLE
PARIS
GARNIER FRÈRES, LIBRAIRES-ÉDITEURS
6, RUE DES SAINTS-PÈRES—PALAIS-ROYAL, 215
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M DCCC LXVIII
I
Monseigneur,
S’IL y a quelque chose d’ingénieux dans la république des lettres, on peut dire que c’est la manière dont Ésope a débité sa morale. Il seroit véritablement à souhaiter que d’autres mains que les miennes y eussent ajouté les ornements de la poésie, puisque le plus sage des anciens a jugé qu’ils n’y étoient pas inutiles. J’ose, Monseigneur, vous en présenter quelques essais. C’est un entretien convenable à vos premières années. Vous êtes en un âge où l’amusement et les jeux sont permis aux princes; mais en même temps vous devez donner quelques-unes de vos pensées à des réflexions sérieuses. Tout cela se rencontre aux fables que nous devons à Ésope. L’apparence en est II puérile, je le confesse; mais ces puérilités servent d’enveloppe à des vérités importantes.
Je ne doute point, Monseigneur, que vous ne regardiez favorablement des inventions si utiles et tout ensemble si agréables: car que peut-on souhaiter davantage que ces deux points? Ce sont eux qui ont introduit les sciences parmi les hommes. Ésope a trouvé un art singulier de les joindre l’un avec l’autre: la lecture de son ouvrage répand insensiblement dans une âme les semences de la vertu, et lui apprend à se connoître sans qu’elle s’aperçoive de cette étude, et tandis qu’elle croit faire toute autre chose. C’est une adresse dont s’est servi très-heureusement celui sur lequel Sa Majesté a jeté les yeux pour vous donner des instructions. Il fait en sorte que vous appreniez sans peine, ou pour mieux parler, avec plaisir