Henry Murger

SCÈNES DE LA VIE DE JEUNESSE

Nouvelles

(1851)


Table des matières

Le souper des funérailles  I,II,III,IV
La maîtresse aux mains rouges
Le bonhomme Jadis
Les amours d'Olivier  I,II,III,IV,V,VI
Un poète de gouttières
Le manchon de Francine  I,II

Le souper des funérailles


I

C'était sous le dernier règne. Au sortir du bal de l'opéra, dans unsalon du café de Foy, venaient d'entrer quatre jeunes gens accompagnésde quatre femmes vêtues de magnifiques dominos. Les hommes portaient deces noms qui, prononcés dans un lieu public ou dans un salon du monde,font relever toutes les têtes. Ils s'appelaient le comte deChabannes-Malaurie, le comte de Puyrassieux, le marquis de Sylvers, etTristan-Tristan tout court. Tous quatre étaient jeunes, riches, menantune belle vie semée d'aventures dont le récit défrayait hebdomadairementles Courriers de Paris, et n'avaient à peu près d'autre profession qued'être heureux ou de le paraître. Quant aux femmes, qui étaient presquejeunes, elles n'avaient d'autre profession que d'être belles, et ellesfaisaient laborieusement leur métier.

La carte, commandée d'avance, aurait reçu l'approbation de tous lesmaîtres de la gourmandise.

En entrant dans le salon, les quatre femmes s'étaient démasquées.C'étaient à vrai dire de magnifiques créatures, formant un quatuor quisemblait chanter la symphonie de la forme et de la grâce.

—Avant de nous mettre à table, messieurs, dit Tristan, permettez-moi defaire dresser un couvert de plus.

—Vous attendez une femme? dirent les jeunes gens.

—Un homme? reprirent les femmes.

—J'attends ici un de mes amis qui fut de son vivant un charmant jeunehomme, dit Tristan.

—Comment? de son vivant! exclama M. de Puyrassieux.

—Que voulez-vous dire? ajouta M. de Sylvers.

—Je veux dire que mon ami est mort.

—Mort? firent en chœur les trois hommes.

—Mort? reprirent les femmes en dressant la tête.

—Quel conte de fées!

—Mort et enterré, messieurs.

—Comme Marlboroug?

—Absolument.

—Ah çà, mais que signifie cela? vous êtes hiéroglyphique comme uneinscription louqsorienne, ce soir, mon cher Tristan, dit le comte deChabannes.

—Écoutez, messieurs, répliqua Tristan. La personne que j'attends neviendra pas avant une heure; j'aurai donc le temps de vous conterl'aventure, qui est assez curieuse, et qui vous intéressera d'autantplus que vous allez en voir le héros tout à l'heure.

—Une histoire! C'est charmant. Contez! contez! s'écria-t-on de toutesparts, à l

...

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