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Je ne m'occuperai ici, strictement, que de l'oeuvrelittéraire de l'écrivain célèbre qui vient demourir.
Émile Zola a eu une carrière littéraire de quaranteannées environ, ses débuts remontant à1863 et sa fin tragique et prématurée étant survenue,--alorsqu'il écrivait encore et se proposaitd'écrire longtemps,--le 29 septembre 1902. Pendantces quarante années, il a écrit une quarantainede volumes, ce qui a fait pousser des cris d'admirationà ses thuriféraires et ce qui n'est qu'uneproduction normale, beaucoup moins intense quecelle de Voltaire, de Corneille, de Victor Hugo, deGuizot, de George Sand ou de Thiers. En général,il «se documentait» pendant trois ou quatre mois,écrivait pendant trois mois, à raison de quatre pagespar jour, et se reposait, en quoi il avait raison, lereste du temps.
Ses études, où il avait brillé surtout en thèmelatin, en récitation et en instruction religieuse,avaient été fort bonnes. Il semble ne les avoir pascomplétées par cette éducation que l'on se donne àsoi-même et qui est la seule qui vaille, ayant, dèsla vingtième année, été forcé de gagner sa vied'abord comme employé de librairie, ensuitecomme écrivain. Il écrivit trop tôt. Tout hommequi écrit avant trente ans et qui ne consacre pasl'âge d'or de la vie, de la vingtième année à latrentième, à lire, à observer et à réfléchir, sansécrire une ligne, risque de n'avoir pas de cerveauet de n'être qu'un ouvrier littéraire. Il y a desexceptions; mais elles sont rares.
On peut, assez raisonnablement, diviser lacarrière littéraire d'Émile Zola en trois périodes.Avant les Rougon-Macquart, les Rougon-Macquart,après les Rougon-Macquart; c'est-à-dire avant1870, de 1870 à 1893, après 1893. Avant 1870 c'estÉmile Zola qui s'essaye et qui se cherche; de 1870à 1893 c'est Émile Zola qui s'est trouvé et quis'exprime; depuis 1893 c'est Émile Zola déclinantet n'écrivant plus qu'avec ses procédés, ses recetteset ses manies.
A ses débuts, Émile Zola n'était qu'un élève desromantiques, qui sentait vivement Victor Hugo etMusset, qui avait lu Balzac et qui en appréciaitsurtout ce qu'il a de romanesque et de romantiqueet qui aspirait vaguement à continuer le Mussetdes Contes et Nouvelles et le Balzac d'UrsuleMirouet et de la Grande-Bretèche.
Il fit les Contes à Ninon et Thérèse Raquin. LesContes à Ninon étaient insignifiants comme fond,d'une assez agréable poésie de romance, caressanteet fade, comme forme. Thérèse Raquin était undrame bourgeois, sombre et violent, sans nuances,dont j'ai entendu dire par une dame, à cette époqueéloignée: «Ce serait bien ennuyeux, si ce n'étaitpas si triste.» Le don d'apitoyer par l'horreur semontrait déjà. Du reste, déjà, aucune espèce depsychologie. C'est là qu'on trouve, aveu naïf quel'auteur se serait gardé de faire plus tard: «Elleen vint à... par un lent travail d'esprit qu'il seraittrès intéressant d'analyser;» et que l'auteurn'analysait point du tout. Il confessait que laseule chose à faire et qu'il reconnaissait qui eûtété très intéressante à faire, il ne la faisait pointet la laissait à faire à un autre.
Dans ces productions de jeunesse, qui ne furentpoint sans attirer l'attention, ce qu'on remarquait,c'était le talent de