LA PRÉSENTE ÉDITION
DES
ŒUVRES COMPLÈTES DE GUY DE MAUPASSANT
A ÉTÉ TIRÉE
PAR L’IMPRIMERIE NATIONALE
EN VERTU D’UNE AUTORISATION
DE M. LE GARDE DES SCEAUX
EN DATE DU 30 JANVIER 1902.
IL A ÉTÉ TIRÉ DE CETTE ÉDITION
100 EXEMPLAIRES SUR PAPIER DE LUXE
SAVOIR:
60 exemplaires (1 à 60) sur japon ancien.
20 exemplaires (61 à 80) sur japon impérial.
20 exemplaires (81 à 100) sur chine.
Le texte de ce volume
est conforme à celui de l’édition originale:
Contes du Jour et de la Nuit.
Paris, Marpon et Flammarion, 1885,
avec addition de: Humble Drame (inédit).
ŒUVRES COMPLÈTES
DE
GUY DE MAUPASSANT
CONTES
DU JOUR ET DE LA NUIT
HUMBLE DRAME
PARIS
LOUIS CONARD, LIBRAIRE-ÉDITEUR
17, BOULEVARD DE LA MADELEINE, 17
MDCCCCIX
Tous droits réservés.
CE jour-là le facteur Boniface, en sortant de la maison de poste,constata que sa tournée serait moins longue que de coutume, et il enressentit une joie vive. Il était chargé de la campagne autour du bourgde Vireville, et, quand il revenait, le soir, de son long pas fatigué,il avait parfois plus de quarante kilomètres dans les jambes.
Donc la distribution serait vite faite; il pourrait même flâner unpeu en route et rentrer chez lui vers trois heures de relevée. Quellechance!
Il sortit du bourg par le chemin de Sennemare et commença sa besogne.On était en juin, dans le mois vert et fleuri, le vrai mois des plaines.
L’homme, vêtu de sa blouse bleue et coiffé 4 d’un képi noir àgalon rouge, traversait par des sentiers étroits les champs de colza,d’avoine ou de blé, enseveli jusqu’aux épaules dans les récoltes; et satête, passant au-dessus des épis, semblait flotter sur une mer calme etverdoyante qu’une brise légère faisait mollement onduler.
Il entrait dans les fermes par la barrière de bois plantée dans lestalus qu’ombrageaient deux rangées de hêtres, et saluant par son nom lepaysan: «Bonjour, maît’ Chicot,» il lui tendait son journal le PetitNormand. Le fermier essuyait sa main à son fond de culotte, recevaitla feuille de papier et la glissait dans sa poche pour la lire à sonaise après le repas de midi. Le chien, logé dans un baril, au piedd’un pommier penchant, jappait avec fureur en tirant sur sa chaîne, etle piéton, sans se retourner, repartait de son allure militaire, enallongeant ses grandes jambes, le bras gauche sur sa sacoche, et ledroit manœuvrant sur sa canne qui