PUBLIÉ D'APRÈS
LE MANUSCRIT AUTOGRAPHE
AVEC INTRODUCTION, NOTES ET ADDITIONS
PAR
CHARLES BRÉARD
PARIS
LIBRAIRIE ACADÉMIQUE DIDIER
PERRIN ET Cie, LIBRAIRES-ÉDITEURS
35, QUAI DES GRANDS-AUGUSTINS, 35
1887
Tous droits réservés.
Jean-François Doublet1 naquit à Honfleur au milieu dudix-septième siècle. Nous n'avons pas la date de sa naissance;son baptistaire ne se retrouve point dans les anciens registresdes paroisses de sa ville natale, à côté de ceux des autresenfants de François Doublet et de Madeleine Fontaine, sespère et mère. Il résulte de là que l'on n'a point d'autre moyenpour déterminer cette date inconnue que d'accepter l'indicationfournie par Doublet lui-même lorsqu'il parle de son âge àl'époque de son premier embarquement. Il avait sept ans ettrois mois, dit-il, lorsque brûlant d'accompagner son père auCanada il se cacha dans l'entrepont du navire qui emportaitvers la Nouvelle-France la fortune et les espérances de safamille. D'après cette donnée, il faut reporter la naissance denotre marin au mois de novembre 1655.
L'obscurité qui enveloppe la naissance de Doublet n'entoureheureusement pas sa parenté. Les registres municipaux, lesminutes des anciens tabellionages d'Auge, de Grestain et deRoncheville et des papiers de famille nous ont mis à portée de-6-recueillir sur elle des informations nombreuses et précises. Onen pourra juger par les notes déjà publiées dans la Revue historiqueet par celles qui nous restent encore à donner. Maisnotre intention n'est pas de reproduire tous les renseignementsbiographiques ou généalogiques qu'une recherche patientenous a permis de rassembler; nous ferons un choix dans nosmatériaux.
Doublet appartenait à une bonne famille de moyenne bourgeoisiequi comptait plusieurs de ses membres dans les conseilsde la ville depuis le commencement du dix-septièmesiècle. Lorsque, soupçonné de piraterie et interrogé d'un tonhautain par le duc d'York,—plus-tard Jacques II,—Doubletrépondit: «Monseigneur, je suis de bonne naissance,»il ne se vantait aucunement, il énonçait simplement la vérité.Il paraîtrait même que les emplois en la possession de safamille, ou la propriété de la moitié d'une sergenterie et garde-noblesituée en la forêt de Touques2, lui avaient fait obtenirl'anoblissement. Doublet est dit noble homme dans l'acte deson mariage que nous donnons plus loin3; il est qualifiéd'écuyer dans l'acte du décès de sa femme4, mais ce détailest de peu d'importance.
C'était l'un des seize enfants d'un bourgeois de Honfleur,maître François Doublet, qui pratiqua pendant plus de trente-cinqans l'art de l'apothicaire5, devint capitaine-marchand,arma et équipa des navires, rêva la fortune et chercha unclimat et un destin meilleurs. Sa mère, Madeleine Fontaine,-7-était f