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NOUVELLE BIBLIOTHÈQUE LITTÉRAIRE
ÉTUDES ET PORTRAITS LITTÉRAIRES
QUATRIÈME SÉRIE
Stendhal — Baudelaire — Mérimée
Barbey d'Aurevilly — Paul Verlaine
Victor Hugo — Lamartine
G. Sand — Taine et Napoléon
Sully-Prudhomme
Alphonse Daudet — Renan — Zola
Paul Bourget — Jean Lahor
Grosclaude
Deuxième édition
Paris
LIBRAIRIE H. LECÈNE ET H. OUDIN
17, RUE BONAPARTE, 17
1889
Tout droit de reproduction et de traduction réservé.
SON JOURNAL, 1801-1814,
publié par MM. Casimir STRYIENSKI et François deNION.
L'excuse de Stendhal, c'est que, bien réellement, il n'écrivait sonjournal que pour lui et non point, comme ont fait tant d'autres, avecune arrière-pensée de publication. Et si, quelque bonne volonté qu'onapporte à cette lecture, les trois quarts de ces notes sont décidémentdénuées d'intérêt, il ne faut pas oublier qu'il n'était qu'un enfantquand il commença à les écrire.
L'excuse des éditeurs, c'est que (pour parler comme M. FerdinandBrunetière) toute cette «littérature personnelle», journaux, mémoires,souvenirs, impressions, est fort en faveur aujourd'hui. C'est, (p. 002)d'ailleurs, que Stendhal n'est pas seulement un des écrivains les plusoriginaux de ce siècle, mais qu'un certain nombre de lettrés,sincèrement ou par imitation, les uns pour paraître subtils et lesautres parce qu'ils le sont en effet, considèrent Beyle comme un maîtreunique, comme le psychologue par excellence, et lui rendent un culte oùil y a du mystère et un orgueil d'initiation. C'est qu'enfin de ces 480pages, souvent insignifiantes et souvent ennuyeuses, on en pourraitextraire une centaine qui sont déjà d'un rare observateur, ou qui nousfournissent de précieuses lumières sur la formation du caractère et dutalent de Stendhal. J'en sais d'autant plus de gré à MM. Stryienski etde Nion, que je n'ai jamais parfaitement compris, je l'avoue, cet hommesingulier, et que j'ai beaucoup de peine, je ne dis pas à l'admirer,mais à me le définir à moi-même d'une façon un peu satisfaisante. Il m'atoujours paru qu'il y avait en lui «du je ne sais quoi», comme dit Retzde La Rochefoucauld.
Ce «je ne sais quoi», c'est peut-être ce que j'y sens de trop éloigné demes goûts, de mon idéal de vie, des vertus que je préfère et que jesouhaiterais le plus être capable de pratiquer,—ou tout simplement, sivous voulez, de mon tempérament. Se regarder vivre est bon; mais, aprèsqu'on s'est regardé, fixer sur le papier ce qu'on a vu, s'expliquer, secommenter (à moins d'y mettre l'adorable bonne grâce et le détachementde Montaigne); se (p. 003) mirer longuement chaque soir, commencer cetravail à dix-huit ans et le continuer toute sa vie... cela suppose unemanie de constatation, si je puis dire, un manque de paresse, d'abandonet d'insouciance, un goût de la vie, une énergie de volonté etd'orgueil, qui me dépassent infiniment.
Car,—et c'est la première clarté que ces pages nous donnent sur leurauteur,—le journal de Stendhal n'est pas un épanchement involontaire etnonchalant; c'est un travail utile. C'est pour lui un moyen de semodifier, de se façonner peu à peu en