EUGÈNE TALBOT

ARISTOPHANE

TRADUCTION NOUVELLE

PRÉFACE DE SULLY PRUDHOMME


TOME DEUXIÈME

PARIS

ALPHONSE LEMERRE, ÉDITEUR

23-31, PASSAGE CHOISEUL, 23-31

M DCCC XCVII




LES OISEAUX

(L'AN 415 AVANT J.-C.)


Deux citoyens, Pisthétéros (Fidèle ami) et Evelpide (Bon espoir),dégoûtés de la vie que l'on mène à Athènes, se déterminent à bâtir uneville aérienne, Néphélocokkygia (Nuéecoucouville). Tous les hommesveulent y venir habiter, mais le poète, enlevant le sceptre aux dieuxqui ne savent plus maintenir l'ordre sur la terre, chasseimpitoyablement de la cité nouvelle les prêtres, les devins, lesphilosophes, les poètes, les législateurs, les avocats. On crée desdivinités à l'image des oiseaux, à qui appartient désormais l'empire dumonde, et les anciens dieux, bloqués dans l'Olympe, où n'arrive plusl'odeur des offrandes, sont forcés d'entrer en composition avecPisthétéros.

PERSONNAGES DU DRAME

    EVELPIDÈS.    PISTHÉTÆROS.    LE ROITELET, serviteur de la huppe.    LA HUPPE.    CHOEUR D'OISEAUX.    LE PHOENIKOPTÈRE.    HÉRAUTS.    UN PRÊTRE.    UN POÈTE.    UN DISEUR D'ORACLES.    LE ROSSIGNOL.    PROKNÈ.    MÉTÔN, géomètre.    UN INSPECTEUR.    UN VENDEUR DE DÉCRETS.    MESSAGERS.    IRIS.    UN PARRICIDE.    KINÉSIAS, poète dithyrambique.    UN SYKOPHANTE.    PROMÈTHEUS.    POSÉIDÔN.    UN TRIBALLE.    HÈRAKLÈS.    UN ESCLAVE DE PISTHÉTÆROS.    XANTHIAS.          }esclaves,    MANODOROS ou MANÈS } personnages muets.

La scène se passe dans un endroit sauvage, rocailleux, au fond d'uneforêt.


LES OISEAUX


EVELPIDÈS, au geai.

Est-ce tout droit que tu me dis d'aller, du côté où l'on voit cet arbre?

PISTHÉTÆROS, tenant une corneille.

La peste te crève! La voilà qui me croasse de revenir en arrière!

EVELPIDÈS.

Pourquoi, malheureux, sautillons-nous de haut en bas? Nous nous tuons àchercher ainsi notre route de côté et d'autre.

PISTHÉTÆROS.

Je me suis fié, pour mon malheur, à cette corneille, qui m'a faitparcourir deux mille stades de chemin.

EVELPIDÈS.

Et moi je me suis fié, pour mon infortune, à ce geai, qui m'a rongé lesongles des doigts.

PISTHÉTÆROS.

En quel endroit de la terre sommes-nous? je n'en sais rien.

EVELPIDÈS.

D'ici, retrouverais-tu ta patrie, toi?

PISTHÉTÆROS.

Non, de par Zeus! pas plus qu'Exèkestidès.

EVELPIDÈS.

Malheur!

PISTHÉTÆROS.

Allons, mon ami, suis cette route.

EVELPIDÈS.

Certes, il nous a joué un vilain tour, cet oiseleur du marché à lavolaille, ce fou de Philokratès, en me disant que ces deux guides seuls,parmi les oiseaux, nous diraient où est Tèreus, la huppe, changé enoiseau. Il nous a vendu une obole ce geai, fils de Tharrélidès, et troisoboles cette corneille qui, l'un et l'autre, ne savent rien que mordre.Eh bien! qu'as-tu, maintenant, à ouvrir le bec? Est-ce que tu vas encorenous mener de façon à tomber des rochers? Ici, il n'y a pas de route.

PISTHÉTÆROS.

Et ici, de par Zeus! pas le moindre sentier.

EVELPIDÈS.

La corneille ne dit donc rien au sujet de la route? Pas d

...

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