L'ILLUSTRATION
Prix du Numéro: 75 cent.
SAMEDI 21 MARS 1891
49e Année--Nº 2508
La bénédiction des rameaux devant l'égliseSaint-Germain-l'Auxerrois.
auserie de carême. Variations sur le concours hippique. Dernièrespolémiques à propos l'Opéra et de la direction nouvelle. Si nousn'avions point le Mage, qui est une nouveauté, et Mariage Blanc, quisera la primeur de cette fin de semaine, le Courrier de 1891ressemblerait fort au Courrier de 1890 à pareille date, car on a toutdit sur les prédicateurs du carême, qui ne se renouvellent guère, et surles programmes du concours hippique, qui ne se renouvellent pas.
L'agonie du prince Napoléon a préoccupé encore les esprits, et le dramede l'hôtel de Russie, drame historique et drame de famille, a tenuéveillée l'attention du public. Je ne sais qui a rappelé, à propos decette lutte contre la mort, la fameuse coquille--malicieuse ouinvolontaire--qui s'étala en plein Moniteur lors de la maladie suprêmedu roi Jérôme. Les médecins avaient écrit sur leur bulletin: «Le mieuxpersiste»; les typographes du Moniteur imprimèrent: «Le vieuxpersiste.» Il y eut grande colère aux Tuileries lorsque le premiernuméro du journal officiel arriva. Vite, on expédia un aide-de-camp àl'imprimerie du Moniteur pour arrêter le tirage, ce qui fut fait. Maisde nombreux exemplaires étaient déjà sortis de la presse. On les paya,par curiosité, jusqu'à cinq cents francs le numéro. Un collectionneuranglais alla jusqu'à mille francs.
On se racontait ces souvenirs d'un autre temps lundi dernier à l'Opéra,tout en causant de Varedha, prêtresse de la Djaki, et d'Anahita, reinedu Touran. Cette première représentation du Mage n'était en réalitéque la seconde, et tout le monde officiel avait assisté le samedi à larépétition générale. Ce sont les répétitions décidément qui deviennentles premières. M. le préfet de police le sait si bien, qu'il donnaitune soirée le lundi, pendant que le rideau se levait sur cet opératouranien--et très parisien de par ses auteurs, le musicien et le poète.
N'y a-t-il pas une romance qui commence par quelque chose comme:
O beau pays de la Touraine...
Si je ne me trompe, c'est même dans les Huguenots qu'on la chante. Ehbien, avec le Mage il ne s'agit plus de la Touraine, mais desTouraniens, et on nous restitue à l'Opéra le refrain d'une chansontouranienne qui date de deux mille cinq cents ans avant l'èrechrétienne. Elle est d'ailleurs tout à fait préhistorique, cettechanson-là. Le refrain, imprimé dans la brochure, est:
Là, leïà, leïà, leïà, à, à!
Relisez bien: c'est du touranien. M. Richepin, qui est un bon Touranienet un bon poète, a, pour nous, évoqué ce refrain que je conserve commeun bibelot antique et précieux.
Là, leïà, leïà, leïà, à, à!
En touranien, cela correspond-il à Au clair de la lune ou à laMarseillaise? Je n'en sais rien, n'étant pas très versé dans lessecrets de la Bactriane.
Mme Dieulafoy nous le dirait peut-être.
Là, leïà, leïà, leïà...
Il y a d'autre vers, heureusement, dans le Mage, et des vers français,d'une belle venue, d'un beau souffle. Il n'eut plus manqué qu'après lesvers décad