Doctoresse PELLETIER

Mon Voyage aventureux
en
Russie Communiste

Prix : 5 francs

PARIS (5e)
MARCEL GIARD
LIBRAIRE-ÉDITEUR
16, RUE SOUFFLOT ET 12, RUE TOULLIER

1922

Mon Voyage aventureuxen Russie Communiste

CHAPITRE PREMIER
Paris-Moscou en six semaines

Depuis longtemps je désirais voir, de mes yeux,l’expérience socialiste qui se fait en Russie. Jen’espérais pas, certes, trouver là le paradis. J’avaislu tout ce qui a été traduit en français, de Lénine,Trotsky, etc., et j’y avais appris que la Russien’était pas encore en communisme, mais dans lapériode de transition qui doit nécessairementséparer l’état capitaliste de l’état communiste.

Ayant milité toute ma vie pour la révolutionsociale, il me tardait de voir, ne fût-ce que lecommencement de sa réalisation.

Le voyage, par les voies légales, m’était impossible.On m’avait refusé un passeport que jedemandais innocemment pour Carlsbad, et mêmele simple sauf-conduit qui donne accès dans les régionsoccupées. Je résolus donc d’adopter lesvoies illégales.

Je m’adressai d’abord aux camarades, mais jen’obtins pas l’accueil que je me croyais en droitd’attendre. Chez nous comme partout, les questionsde personnes, les rivalités, etc., priment debeaucoup les idées. Je ne pensais pas que pouraller en Russie, il me faille la permission de quique ce soit ; n’étais-je pas libre d’aller là aussibien qu’ailleurs.

Puisque les camarades refusaient de m’aider,je comptais me passer d’eux, comme du Gouvernement.

J’avais plusieurs moyens de sortir de France,je choisis la frontière suisse. A Bâle, les frontièresfranco-suisse et suisse allemande, sont très prèsl’une de l’autre ; j’espérai donc réussir plus rapidementde ce côté.

Des camarades m’avaient fortement conseilléd’entourer mon départ de précautions pour éviterd’être arrêtée à la frontière. J’étais bien tranquille,personne que moi, à Paris, ne connaissait l’endroitoù j’avais résolu de passer. Néanmoins, pourdonner à mon départ des apparences normales,je déclarai, dans ma maison, que j’allais en Bretagnepour les vacances ; on était à la fin dejuillet c’était tout naturel.

Poussant les précautions à l’extrême, je me dirigeaiostensiblement vers la gare Saint-Lazare.Ce n’est qu’en route que, changeant de taxi, je mefis conduire à la gare de l’Est.

On ne saurait croire combien le fait de se savoirdans l’illégalité rend timide. Il me sembla qu’en demandantdirectement un billet pour Saint-Louis,ville frontière, je devais attirer l’attention ; je prisdonc ma place pour Mulhouse ; de Mulhouse j’iraisà Saint-Louis, ce serait plus long, mais plus sûr.

Ce n’est pas sans appréhension que je m’installaidans le wagon. Je quittais mon petit bien-êtrede demi-bourgeoise ; qu’allai-je trouver à laplace. Même dans les formes légales, les voyagesà l’étranger ménagent, depuis la guerre, plus d’ennuisque de plaisir ; qu’adviendrait-il de moi dansce voyage de conspirateur ? Je calmai ma nervositéen me commandant à moi-même de n’envisagerque le présent, sans songer à l’avenir. Le présent,il était très acceptable ; wagon-restaurant,confort ; à travers la portière ouverte, le défilé deschamps ensoleillés de juillet. Je ne pouvais queme réjouir.

A Mulhouse, quatre heures à attendre ; je quittela gare pour une promenade en ville. A la sortie,un homme, le commissaire spécial, sans doute,dévisage tout le monde. Il ne me remarque pas ;j’ai changé ma

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