PARIS
SOCIÉTÉ DV MERCVRE DE FRANCEXV, RVE DE L'ÉCHAUDÉ-SAINT-GERMAIN, XV
M DCCC XCVI
Le prince PHÉBOR.
La princesse PHÉNA.
PHÉNISSA, fille de Phéna et femme de PHÉBOR.
LE MESSAGER.
LES SUIVANTES.
LA PETITE.
LE PAUVRE.
Soldats et valets.
Cela se passait autrefois.
(Phéna est assise au seuil du palais. Ses femmesl'entourent. Quelques-unes causent deux àdeux. Lesplus jeunes, avec des rires et des cris, jouent àcolin-maillard. Une petite, agenouillée sur le coussinoù Phéna pose ses pieds, assemble un bouquet dejasmins, d'oeillets et de diverses fleurs.)
PHÉNA
Suis-je belle? Regarde-moi bien.
LA PETITE
Oh! oui, tout àfait belle.
PHÉNA
Comme quoi?
LA PETITE
Je ne sais pas, moi. Oh! oui, commeun verger d'automne, comme les bellespommes rouges et bien mûres qui tombent,qui tombent, et qu'on emporte au pressoir.
PHÉNA
Petite, regarde-moi bien. Suis-je belle?
LA PETITE
Prenant la main de Phéna et la baisant cordialement.
Oh! oui, tout àfait belle.
PHÉNA
Belle comme quoi encore?
LA PETITE
Belle comme tout!
PHÉNA
Que tu es sotte! Sais-tu àquoi je mecompare, moi? A une louve, àune bellelouve aux yeux sanglants, aux dentsaiguës et blanches,—oui, àune louve!
LA PETITE
Vous me faites peur!
PHÉNA
Si tu as peur, tais-toi! Pour qui cesfleurs?
LA PETITE
Pour Phénissa.
PHÉNA
Donne-les moi.
LA PETITE
Oh! non, c'est pour Phénissa. D'autres,si vous voulez, toutes les autres, maiscelles-là, c'est pour Phénissa.
PHÉNA
Insupportable petite mauvaise tête!Tiens, va-t'en, toi et tes fleurs.
(La petite s'éloigne. Au même instant, la trompedu guetteur se fait entendre au haut de la tour:Phéna sursaute, les conversations et les jeux setaisent; toutes les femmes s'avancent et bientôtcrient:)
Le voilà! Le voilà! Oh! comme il court!Il court comme le vent.
(Phéna se lève, puis se rassied, quand le messagerparaît. Deux femmes descendent vers lui, essuientla sueur de son front, lui font boire un cordial, puisl'amènent devant Phéna.)
PHÉNA
Tu les as vus?
LE MESSAGER
Je les ai vus. Ils ne sont pas loinmaintenant, mais les chemins sont mauvais,leurs chevaux sont fatigués et lachaleur les incommode.
PHÉNA
Phénissa doit être bien lasse. Un silong pèlerinage! Des bords du Rhin àSaint-Jacques de Compostelle! Elle doitêtre pâle, malade, peut-être? Elle doitêtre devenue laide. Le soleil l'aura hâlée;je la vois, le visage tout couvert de tachesde son, la peau brûlée...
LE MESSAGER
Nullement. Elle est fraîche comme larosée.
PHÉNA
Ah! Et le prince Phébor? Il doit êtrevaillant comme au premier jour!
...