DE LA
DÉMOCRATIE
EN AMÉRIQUE.
PARIS.—IMPRIMERIE CLAYE ET TAILLEFER
RUE SAINT-BENOÎT, 7.
DE LA
DÉMOCRATIE
EN AMÉRIQUE
DOUZIÈME ÉDITION
REVUE, CORRIGÉE
et augmentée d'un Avertissement et d'un Examen comparatif de laDémocratie
aux États-Unis et en Suisse.
TOME PREMIER.
PARIS
PAGNERRE, ÉDITEUR
RUE DE SEINE, 14 BIS.
1848
(p. i) AVERTISSEMENT
DE LA DIXIÈME ÉDITION.
Quelque grands et soudains que soient les événements qui viennent des'accomplir en un moment sous nos yeux, l'auteur du présent ouvrage a ledroit de dire qu'il n'a point été surpris par eux. Ce livre a été écritil y a quinze ans, sous la préoccupation constante d'une seule pensée:l'avénement prochain, irrésistible, universel de la Démocratie dans lemonde. Qu'on le relise: on y rencontrera à chaque page un avertissementsolennel qui rappelle aux hommes que la société change de formes,l'humanité de condition, et que de nouvelles destinées s'approchent.
En tête étaient tracés ces mots:
(p. ii) Le développement graduel de l'égalité est un fait providentiel.Il en a les principaux caractères: il est universel, il est durable, iléchappe chaque jour à la puissance humaine; tous les événements commetous les hommes ont servi à son développement. Serait-il sage de croirequ'un mouvement social qui vient de si loin puisse être suspendu par unegénération? Pense-t-on qu'après avoir détruit la féodalité et vaincu lesrois, la Démocratie reculera devant les bourgeois et les riches?S'arrêtera-t-elle maintenant qu'elle est devenue si forte et sesadversaires si faibles?
L'homme qui en présence d'une monarchie, raffermie plutôt qu'ébranléepar la révolution de juillet, a tracé ces lignes, que l'événement arendu prophétiques, peut aujourd'hui sans crainte appeler de nouveau surson œuvre l'attention du public.
On doit lui permettre également d'ajouter que les circonstancesactuelles donnent à son livre un intérêt du moment et une utilitépratique qu'il n'avait point quand il a paru pour la première fois.
La royauté existait alors. Aujourd'hui elle est détruite. Lesinstitutions de l'Amérique, qui n'étaient qu'un sujet de curiosité pourla France monarchique, doivent être un sujet d'étude pour la Francerépublicaine. Ce n'est pas la force seule qui asseoit un gouvernementnouveau; ce sont de bonnes lois. Après le combattant, le législateur.L'un a détruit, l'autre fonde. À chacun son œuvre. Il ne s'agit plus,il est vrai, de savoir si nous aurons en France la royauté ou larépublique; mais il nous (p. iii) reste à apprendre si nous aurons unerépublique agitée ou une république tranquille, une république régulièreou une république irrégulière, une république pacifique ou unerépublique guerroyante, une république libérale ou une républiqueoppressive, une république qui menace les droits sacrés de la propriétéet de la famille ou une république qui les reconnaisse et les consacre.Terrible problème, dont la solution n'importe pas seulement à la France,mais à tout l'univers civilisé. Si nous nous sauvons nous-mêmes, noussauvons en même temps les peuples qui nous environnent. Si nous nousperdons, nous les perdons tous avec nous. Suivant que nous aurons laliberté démocratique ou