Cet ouvrage a été déposé au ministère de l'intérieur (sectionde la librairie) en novembre 1878.
PARIS. TYPOGRAPHIE DE E. PLON ET Cie, RUE GARANCIÈRE, 8.
La princesse Adalbert de Sauer-Apfel à labaronne von Nobelfamilien.
Vous voulez une longue lettre qui vous dira ceque je pense de Sauer-Apfel, ou plutôt de ses habitants.Je suis arrivée bien fatiguée, n'ayant pu,comme le prince Adalbert, dormir tout le long[p. 2]de la route; l'approche du château est fort majestueuse;on nous a beaucoup acclamés. Hélas! cene sont plus nos sujets! En montant l'avenue,j'ai récité quelques lignes de notre cher Gœthe àAdalbert; mais jusqu'ici il n'a pas de poésie dansl'âme.....
Leurs Altesses Sérénissimes m'attendaient à l'entrée,qui avait été décorée de charmantes guirlandesde feuillage et de fleurs. Derrière ma belle-mère setenait la respectable chanoinesse de Jungferstieg,qui est sa dame d'honneur depuis trente ans, età côté du prince le fidèle chambellan comte deRothennase. Le prince, qui est très-gros et fortrouge avec un air imposant, m'a embrassée surles deux joues, et la princesse m'a serrée dans sesbras; elle est habillée à la française, avec beaucoupde goût. L'excellent chambellan et la chanoinesseont voulu me baiser la main et me rendreles mêmes honneurs que si Leurs Altesses Sérénissimeseussent encore régné dans leur capitale.J'ai été bien émue, et j'ai saisi l'occasion de citerà la chanoinesse de Jungferstieg quelques lignes denotre Schiller; elle me paraît avoir l'âme sensibleet les a aussitôt répétées à ma respectable belle-mère,qui a semblé satisfaite de l'allusion.
Il y avait «grand couvert» en mon honneur;les derniers événements ont condamné les princesde Sauer-Apfel à bien des sacrifices, mais cependantquatre magnifiques valets en livrées rougesnous servaient; malheureusement il y en avait deuxtrès-grands et deux très-petits; Son Altesse Sérénissimem'a fait observer que c'est là où conduisaitle progrès! Et le chambellan m'a confié, lamort dans l'âme, que deux des valets servaient lejour dans le jardin!
Le prince a daigné boire plusieurs fois à masanté; la princesse m'a interrogée avec sollicitudesur mes goûts et m'a demandé le prix de plusieurschoses: malheureusement je l'ignorais; elle a soupiréen regardant la chanoinesse; il paraît que lesprincesses de Sauer-Apfel ont toujours été renomméespour une «noble économie». Le prince neparle que très-peu, par dignité sans doute; le chambellanet la chanoinesse se sont entretenus assezlongtemps d'un comte Wolgfang et d'une comtesseMarie; je leur ai