L'ILLUSTRATION
Prix du Numéro: 75 cent.
SAMEDI 14 MARS 1891
49e Année--Nº 2507


LE PRINCE NAPOLÉON
Photographie Pirou.



imanche dernier, en m'éveillant je me suis mis à la fenêtre. Un cielgris en haut, une boue jaune en bas. En face, devant une boutique defleuriste, des palmiers mouillés tremblotant au vent de pluie. Despassants crottés, des fiacres vernis par l'averse.

--Bon, me suis-je dit, en me rappelant le mot de ce maire de Parisredoutant l'averse: il pleut ce matin, il n'y aura rien aujourd'hui!

Cependant, les escadrons prenaient leur place de bataille dans lesavenues du Bois, et les fantassins se déployaient en rideau pour mieuxrecevoir la Ligue des bookmakers, L. D. B., qu'on disait toute prête àentrer en guerre. Les pari-mutuellistes s'étaient, disait-on,mobilisés aux cris de: Des tuyaux ou la mort! On s'attendait à unejournée. Mais moi, voyant tomber la pluie--ô giboulées de mars, vousvoici arrivées!--je prophétisais sans beaucoup de peine:

--Rien. Il n'y aura rien!

Et il n'y a rien eu, en effet. Un calme plat, très plat. Des agentsbaignés de pluie, des municipaux recevant l'ondée avec la placidité degens qui braveraient de même les balles.

Un pari-mutuelliste faisait courir ce quatrain mouillé au retour descourses sans paris, mais non sans averses:

8 Mars, de l'eau, pas de bataille,

Soyons-en fiers, mais sans orgueil!

Quelle aquarelle pour Detaille

Que cette bataille d'Auteuil!

La question des paris, des piquets, des bookmakers, a absorbél'attention pendant bien des jours, et l'on a pu voir par là quelleimportance ont les courses au point de vue des habitudes modernes. Jen'en suis ni amateur ni partisan. Mais je ne me reconnais pas le droitd'injurier ceux qui les aiment.

On me dit: Les courses développent la passion du jeu et ruinent lespauvres diables mêmes, qui sont la proie des bookmakers véreux et desjoueurs de bonneteau. Sans doute. Mais la Bourse, mais la Banque, maisles émissions douteuses, mais tout ce qui fait appel aux appétits et auxespérances des foules, n'est-ce pas du jeu, n'est-ce pas la ruine mise àla portée de tous, sous le pseudonyme de la Fortune? Sans doute,l'humanité serait bien autrement morale si elle savait extirper sespassions comme un pédicure vous enlève un cor. Mais elle n'en est pasarrivée à ce degré de vertu, et elle ne paraît point devoir y parvenirencore cette année.

Il faut la prendre comme elle est, et l'amour de l'aléa fait partie deses misères. De là, la fureur des courses. Je ne vous donne pas cetamour des courses pour ce qu'il y a de plus noble au monde, loin de là.C'est une ivresse comme une autre, un alcoolisme d'un certain genre.Mais enfin, je le répète, cela existe.

--Il faut, disait M. de Talleyrand, faire dans la vie la part du diable,comme dans un incendie on fait la part du feu.

Lorsque l'ex-évêque d'Autun rendit le dernier soupir, avec son dernierbon mot, il y eut autour de son lit de mort une sorte de curiosité unpeu bien déplacée. On voulait savoir comment finirait le prince deBénévent. Nous venons d'avoir à peu près le même spectacle autour de laderniè

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