Carlo Traverso, Anne Dreze, Marc D'Hooghe and the Online Distributed
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par ARSÈNE HOUSSAYE
Le roman que voici n'est pas pour vous, madame,
Qui n'avez pas aimé,—pas même votre amant!
Vous n'avez pas voulu des orages de l'âme,
Vous n'avez pas cueilli les fleurs du firmament;
Vous craignez de marcher dans la neige ou la flamme,
Vous fuyez le péché par épouvantement,
Et vous n'entendez pas, quand le vent, d'hiver brame,
Les fantômes d'amour vous pleurer leur tourment.
Non, ce roman n'est pas pour les frêles poupées
Que n'ont point fait pâlir les pâles passions,
Qui craignent les dangers des belles équipées,
Les larmes, les sanglots des désolations,
Et qui ne savent pas, trompeuses ou trompées,
Que l'amour, c'est Daniel dans la fosse aux lions.
AR—H—YE.
Juin 1874._
[Note: Cette critique ou plutôt ce profil littéraire a paru le 1erjanvier dans Paris-Journal, avec cet avant-propos de Henri de Pène:
«Un de nos amis, l'un des maîtres de tout journaliste qui tient uneplume française: Jules Janin, nous a donné, pour nos étrennes, unarticle sur ce brillant et fécond esprit, qui est à la fois de sesamis et des nôtres: Arsène Houssaye.
«Cet article de Jules Janin, nous n'avons pas besoin de le recommanderà nos lecteurs. Le doyen du feuilleton parisien a fait ici oeuvre decritique et d'ami en même temps. A propos d'Arsène Houssaye, ThéophileGautier et Gérard de Nerval revivent aussi sous sa plume toujoursmagique et toujours jeune.»]
La plus grande intimité s'est établie, il y a bien longtemps, entreJules Janin et Arsène Houssaye. Quoi d'étonnant? Houssaye et Janinsont partis du même point pour arriver au même but; ils ont parcourules mêmes sentiers; ils ont porté tout le poids des mêmes misères. Acette heure encore, à l'heure du repos, l'un et l'autre ils sont àl'oeuvre, avec cette différence pourtant: que le premier n'a pasquitté son humble emploi de critique hebdomadaire, et que lesecond, beaucoup plus jeune, dans un mouvement plus vaste, embrasseaujourd'hui, avec la plus grande ferveur, des drames et des passionssi compliqués et si terribles, que nous ne comprenons pas qu'il vienneà bout de tant et tant d'illustres entreprises.
Quand nous l'avons connu, Arsène Houssaye était un jeune homme,amoureux de la forme, enivré des espérances de l'artiste et du poëte.Il vivait gaiement et facilement, en belle et bonne compagnie, avecGérard de Nerval, un talent de premier ordre, un bel esprit, qui-s'esttué dans un désespoir muet: ne pas atteindre à ces beaux rêves qu'ilportait, tout flamboyants, dans le coin de son cerveau!
Ils avaient tous deux, pour leur dévoué et fidèle compagnon, cetesprit rare et charmant, voisin du génie, écrivant ses doux poëmes,léger au pourchas et hardi à la rencontre, Théophile Gautier, d'uneverve inépuisable, un peintre, un poëte, un narrateur, à qui nousdevons la Comédie de la mort, le Voyage à Constantinople, et tantde pages heureuses qui lui servent d'oraison funèbre aujourd'hui.L'amitié d'Arsène Houssaye et de Théophile Gautier passera plus tardà l'état légendaire, et les lecteurs qui viendront ne sauraient lesséparer, d