MÉMOIRES
DE
AIMÉE DE COIGNY

INTRODUCTION ET NOTES
PAR

ÉTIENNE LAMY

PARIS
CALMANN-LÉVY, ÉDITEURS
3, RUE AUBER, 3

Droits de reproduction et de traduction réservés pour tous les pays,y compris la Suède, la Norvège et la Hollande.

IMPRIMERIE CHAIX, RUE BERGÈRE, 20, PARIS.—8400-4-02.—(Encre Lorilleux).

Aimée de Coigny
portrait peint par A. Wertmüller
(1797)
appartient à Mr de Mandrot

MÉMOIRES
D'AIMÉE DE COIGNY

INTRODUCTION

I

Il y a un fond de mépris dans la gloire que leshommes réservent aux femmes. Ils ne célèbrent guèred'elles que la beauté. Les dons de l'esprit et de l'âmeajoutent, ornements accessoires, à la parure des privilégiéesqui possèdent l'essentiel, la perfection du corps.Faute de beauté, tout obscures et comme éteintes, quelstalents ou quelles vertus ne leur faut-il pas pour sortirde l'ombre? Si cette beauté est éclatante, quoi qu'ellesen aient fait, elles les absout et leur séduction leur survit.Le moins méritoire des avantages est celui dont onleur sait le plus de gré, et le plus court des triomphesperpétue leur nom.

Aux grandes amoureuses surtout va cette popularitéposthume. On dirait que, pour s'être données à quelques-2-hommes, elles aient droit à la reconnaissance de tous.La curiosité du public reste fidèle aux plus inconstantes,il veut posséder les certitudes de leurs caprices, et desécrivains graves mettent les scellés de l'histoire sur desailes de papillons. A cette sollicitude se révèle «l'éternelmasculin», l'attrait permanent de la chair del'homme pour la chair de la femme. C'est lui quireconnaît dans les plus femmes des femmes «l'éternelféminin», le chef-d'œuvre de joie offert à l'homme parla nature. Et l'homme pense à lui-même, quand ils'occupe d'elles. La célébrité durable qu'il accorde auxdispensatrices les plus généreuses de cette joie est unencouragement aux vivantes de ne pas se montrer plusavares. Dans ces amours passées, le présent à son tourlit ses amours à venir. Ainsi, par la commémorationdes disparues qui pratiquèrent la religion du plaisir,le culte de la volupté survit jusque dans le culte de lamort.

Une autre gloire avait, à la fin du XVIIIe siècle, commencépour «la jeune captive» dont les plaintes inspirèrentAndré Chénier. Sœur d'Iphigénie et non moinstouchante, elle représentait, comme la vierge antique,et contre la même cruauté de la politique meurtrière,les droits d'une vie qui s'ouvre au bonheur. Le plusgrec de nos poètes semblait l'avoir parée pour le sacrificequi est la destinée de l'innocence et de la faiblessedans les querelles des hommes. La puissance du géniecréant une légende, les premiers de ceux qu'avait émus-3-la plainte de la jeune captive crurent pleurer sur unevictime des justices révolutionnaires. Et cette existencesi tôt et si cruellement tranchée paraissait complète,privilégiée, puisque, assez longue pour connaître tousles bonheurs en espérance, il lui avait manqué seulementles années des désillusions, et puisque la morteavait obtenu du génie l'immortalité.

La légende, comm

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