Note sur la transcription: Les erreurs clairement introduites par le typographe ont été corrigées.L'orthographe d'origine a été conservée et n'a pas été harmonisée.Les numéros des pages blanches n'ont pas été repris.
Paris.—IMP. DE LA LIBRAIRIE NOUVELLE.—Bourdilliat, 15, rue Breda.
MÉMOIRES
DE
CÉLESTE
MOGADOR
TOME PREMIER
PARIS
LIBRAIRIE NOUVELLE
BOULEVARD DES ITALIENS, 15
La traduction et la reproduction sont réservées.
1858
Lorsque j'ai écrit ces mémoires en 1852, j'ignoraisce que l'avenir me réservait; qui aurait pu s'endouter? Ce n'était point une idée impudente qui meles dictait, ce n'était pas une provocation, un outrageà la moralité publique, comme on a cherché àle faire croire à des personnes qui se sont alarméesun peu trop vite, car, pour condamner un coupable,il faut au moins l'entendre jusqu'à la fin.
Cette confession était une défense, un cri de l'âmeen plusieurs volumes. Depuis quelques années, j'étaisvictime de procès que je puis dire injustes, puisqueles tribunaux m'ont fait droit à Paris, Châteaurouxet Bourges.
Mes adversaires n'avaient qu'une arme contre moi,l'insulte, et ils s'en servaient cruellement, ils me reprochaientle passé afin de me fermer l'avenir.
Pour croire à quel point l'intérêt et l'amour de lachicane peuvent égarer des hommes sérieux, il faut IIavoir suivi le cours de ces procès. J'ai dû demanderun appui au juge d'instruction, il est intervenu enprésence de certaines violations des lois qu'on avaitaccomplies parce qu'il s'agissait d'une femme enverslaquelle on se croyait tout permis, et cela, je l'ai dit,avec un acharnement qui ressemblait à de la haine.
Comment mes ennemis avaient ils pu penser que lajustice, cette mère de tous, s'arrêterait à moi?
Quel était mon crime alors?
J'avais ramassé dans ma honte un morceau de painpour l'avenir, on me le disputait, et sans s'inquiétersi cette révélation allait me briser, car tous mes effortsjusque-là avaient eu un but: oublier, effacerun peu du passé, on disait en plein tribunal: «Voicil'histoire de cette fille...»
On les rappelait à l'ordre parce que les gens decœur ne prennent point un canon pour tuer unemouche, mais chacun savait ce que j'aurais voulucacher au prix de mon sang. On donnait à ces débatsune publicité qui faillit me rendre folle, Dieu m'esttémoin que ce n'est pas moi qui la recherchais alors.
Ce qui indignait des étrangers a bien pu merévolter; on faisait des mémoires contre moi. Afinde réfuter de fausses accusations, j'ai écrit des milliersde lignes pour dire un mot, mais je n'ai pasraconté de gaieté de cœur un passé plein de douleurs,de regrets, de misères et de honte. Je voulais repousserune calomnie odieuse pour la personne qu'onmettait sans cesse au pilori à mes côtés; on rivaitson nom au mien; il était exilé, malheureux, je l'aidéfendu avec mon âme; je voulais prouver que lepeu que je possédais était à moi, puisque je