NOUVELLE BIBLIOTHÈQUE LITTÉRAIRE
DEUXIÈME SÉRIE
Leconte de Lisle—José-Maria de Heredia
Armand Silvestre—AnatoleFrance—Le Père Monsabré
M. Deschanel et le romantisme de Racine
Lacomtesse Diane Francisque Sarcet—J.-J. Weiss—Alphonse Daudet
Ferdinand Fabre
DEUXIÈME ÉDITION
PARIS
H. LECÈNE et H. OUDIN, ÉDITEURS
17, Rue BONAPARTE, 17
1886
Des vers d'une splendeur précise, une sérénité imperturbable, voilà cequi frappe tout d'abord chez M. Leconte de Lisle. Au fond, il y a autrechose que nous verrons; mais cela est caché et ne se révèle qu'à ceuxqui n'ont pas le cœur simple. C'est pourquoi il n'est peut-être pas depoète qui soit moins connu du public, ni plus sacré pour ses fidèles;qui ait moins de lecteurs, ni des lecteurs plus fanatiques. Ses versintransigeants ne condescendent point aux faiblesses ni aux habitudes dutroupeau, n'entrent point dans ses émotions, ne le bercent ni lesecouent. «Leconte de Lisle? vous diront les plus renseignés; un grandpoète sans doute! mais que nous veut-il avec ses poèmes indous,hébraïques, grecs et Scandinaves?
Excusez-moi, monsieur, je ne sais pas le grec.
Ni le sanscrit, ni le saxon.»
«Leconte de Lisle, prononcera M. Homais, est complètement dépourvu desensibilité. Je n'approuve pas, monsieur, que le poète s'isole et sedésintéresse de son siècle. En a-t-il même le droit? Je me le demande.Au reste, j'ai peu lu cet auteur.—J'ai vu ses Erynnies à l'Odéon,continue M. Homais avec un fin sourire; Clytemnestre s'appelaitKlutaïmnêstra, et c'était fort ennuyeux.»
D'autre part, interrogez les poètes, pas tous, mais les meilleursd'entre les jeunes, et quelques curieux çà et là. Assurément ils ne vousdiront point de mal de Victor Hugo, pour la raison qu'Allah est Allah;mais on sait que dans tous les temples il y a des saints plusamoureusement chômés que le titulaire du maître-autel; et je crois bienque parmi ces saints de chapelle M. Leconte de Lisle est le premier.C'est qu'il offre à ses dévots des œuvres parfaites, où les gens dumétier trouvent un plaisir sans mélange: presque jamais un sentimentpersonnel au poète n'y éclate dont la sincérité, l'originalité oul'expression puisse être contestée, qui semble, suivant les jours,insuffisant ou démesuré, ni qu