La couverture de ce livre électronique a été crée par le transcripteur; l’image a été placée dans le domaine public.
Note de transcription:
LE
CHAT DE MISÈRE
RÉMY DE GOURMONT
PARIS
SOCIÉTÉ DES TRENTE
ALBERT MESSEIN
19, QUAI SAINT-MICHEL, 19
1912
IL A ÉTÉ TIRÉ DE CET OUVRAGE
530 exemplaires numérotés à la presse, dont 10 exemplaires surChine, 20 exemplaires sur Japon et 500 exemplaires sur vergéd'Arches.
No 261
L'autre jour, dans un salon qui ouvre deplein pied sur un jardin, on trouva, roulé enboule, un chat, mais quel chat! Un être efflanqué,galeux, si las de la vie qu'il semblait indifférentà tout, sauf à sa sensation du moment,qui était, fait inespéré, d'avoir réussi à avoirchaud par un jour de pluie. Il avait faim aussi,mais n'étant pas de ces chats qui n'ont qu'à sefrotter à leur maîtresse pour obtenir des chosesqui se lappent ou des choses qui se mangent, iln'y songeait pas. Son étonnement fut visiblementtrès grand quand il se vit entouré d'ungroupe d'humains qui lui offraient du lait etdes gâteaux. Il n'avait pas peur, il était surpriscomme nous le serions sur une route déserte,si, ayant soif et faim, une table serviesurgissait à nos pieds. Les gens ne l'effrayaient[Pg 2]pas, parce qu'il n'en avait sans doute encorereçu aucun mal, mais ne l'attiraient pas, parcequ'il n'en avait reçu aucun bien. Les bêtesm'inspirent presque plus de pitié que leshommes, parce qu'elles sont encore plus effaréesdevant le malheur. Elles n'ont pas la ressourcede maudire leurs frères et la société, cequi est tout de même une distraction. Quellesréflexions un homme n'aurait-il pas faites, réduità la condition errante et affamée de cechat de misère! Je vois cependant un pointoù la condition du chat était meilleure. Si celaavait été un humain qui se fût glissé dans lesalon et se fût affalé sur un fauteuil, il est probablequ'on ne lui eût offert ni lait ni gâteauxet qu'on ne se fût pas penché sur lui pour admirerl'éclat de ses yeux.
Les modistes passent en ce moment un vilainquart d'heure, car on se demande danscertains milieux mondains s'il ne conviendraitpas aux femmes de sortir nu-tête, de laisservoir leur chevelure le jour, comme elles lalaissent voir au dîner et en soirée. Pourquoi unchapeau, généralement disgracieux, quand ona tant de cheveux? Les cheveux, tordus etrelevés, sont quelquefois un fardeau pour unefemme; pourquoi y ajouter encore le poidsd'un chapeau? Les cheveux longs de la femmesont faits pour flotter librement sur ses épaules.Ceux de l'homme aussi, d'ailleurs, mais il neles comprime pas, il ne les tresse pas, il lescoupe, et cela justifie le c