Comte Léon Tolstoï

LA GUERRE ET LA PAIX


TOME II

(1863-1869)

Traduction par UNE RUSSE


CHAPITRE PREMIER
CHAPITRE II
CHAPITRE III
CHAPITRE IV
CHAPITRE V
CHAPITRE VI

DEUXIÈME PARTIE

L'INVASION

1807—1812


CHAPITRE PREMIER

I

En 1808, l'Empereur Alexandre se rendit à Erfurth pour avoir avecNapoléon une nouvelle entrevue, dont la pompe solennelle défrayalongtemps les conversations des cercles aristocratiques de Pétersbourg.

En 1809, l'alliance des «deux arbitres du monde», comme on appelaitalors les deux souverains, était si intime, qu'au moment où Napoléondéclara la guerre à l'Autriche, l'Empereur Alexandre décida qu'un corpsd'armée russe passerait la frontière pour soutenir Bonaparte, son ennemid'autrefois, contre son ex-allié l'Empereur d'Autriche, et le bruitcourut qu'il était question d'un mariage entre Napoléon et une soeur del'empereur.

En dehors des combinaisons et des éventualités de la politiqueextérieure, la société russe se préoccupait vivement à cette époque desréformes décrétées dans toutes les parties de l'administration.Cependant, malgré ces graves préoccupations, l'existence de tous lesjours, la vraie existence individuelle, avec ses intérêts matériels desanté, de maladie, de travail, et de repos, ses aspirationsintellectuelles vers les sciences, la poésie, la musique, ses passions,ses haines, ses amours, et ses amitiés, n'en suivait pas moins son courshabituel, sans s'inquiéter outre mesure du rapprochement ou de larupture avec Napoléon, ni des grandes réformes entreprises.

Tous les projets philanthropiques de Pierre, qui, par suite de sonmanque de persévérance, étaient jusqu'à présent restés sans résultat,avaient été mis à exécution par le prince André, qui n'avait pas quittéla campagne, et cela, sans qu'il en fît grand étalage ou y trouvâtgrande difficulté. Doué de ce qui manquait essentiellement à son ami,c'est-à-dire d'une ténacité pratique, il savait donner, sans secousse etsans effort, l'impulsion à l'ensemble d'une entreprise: les trois centspaysans d'une de ses terres furent inscrits comme agriculteurs libres(un des premiers faits de ce genre en Russie); sur ses autres terres, lacorvée fut remplacée par la redevance; à Bogoutcharovo, il avait établià ses frais une sage-femme, et le prêtre recevait un surplusd'émoluments, pour apprendre à lire aux enfants du village et de ladomesticité.

Il partageait son temps entre Lissy-Gory, où son fils était encore entreles mains des femmes, et son ermitage de Bogoutcharovo, comme l'appelaitson père. Malgré l'indifférence qu'il avait témoignée devant Pierre pourles événements du jour, il en suivait la marche avec un vif intérêt etrecevait beaucoup de livres. Il remarquait avec surprise que despersonnes arrivant en droite ligne de Pétersbourg pour faire visite àson père; c'est-à-dire venant du centre même de l'action, où ellesétaient à portée de tout savoir, aussi bien comme politique intérieureque comme politique étrangère, étaient de beaucoup moins bien informéesque lui, qui vivait cloîtré sur sa terre.

Malgré le temps que lui prenaient la régie de ses propriétés et seslectures variées, le prince André trouva encore moyen d'écrire un

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