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par
1893
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En 1900.
Quand la cour se fut rangée des deux côtés du trône, le roi Christian,très vieux, d'une pâleur de cire, sa barbe blanche étalée sur sa tuniquemilitaire et cachant à moitié le grand cordon de l'Aigle-Bleu, dit, d'unevoix forte de commandement, chevrotante à peine:
—Monsieur le grand chancelier, quand il vous plaira.
Le grand chancelier, comte de Moellnitz, debout au pied de l'estrade,devant une table carrée couverte d'un tapis de pourpre à crépines d'or—latable royale des mélodrames historiques—déroula un parchemin d'où pendaitun sceau rouge plus large qu'une hostie, et, scandant les phrases d'unhochement de sa petite tête d'oiseau déplumé, il lut avec une lenteur etdes intonations d'archevêque officiant:
«Nous, Christian XVI, par la grâce de Dieu roi d'Alfanie, à tous présentset à venir salut.
»Considérant que l'âge et la maladie, sans diminuer notre zèle pour lebien de notre peuple, ne nous permettent plus d'y travailler selon notredésir et nous rendent désormais difficile le gouvernement de nos États;
»Déléguons généralement tous nos pouvoirs à notre fils aîné et héritierprésomptif, Hermann, prince de Marbourg, duc de Fridagne, et ce pour uneannée à dater du présent jour;
»Ordonnons à tous nos sujets, à tous les officiers des armées de terre etde mer, à tous les magistrats, administrateurs et fonctionnairesconstitués d'obéir au prince de Marbourg comme à nous-même;
»Appelons les bénédictions de Dieu sur le prince Hermann, afin qu'ilexerce avec sagesse et prudence et pour le plus grand avantage de nossujets la puissance que nous lui déléguons.
»Fait et revêtu de notre sceau royal, en notre palais de Marbourg, ce 20mai de l'an de grâce 1900.»
—Messieurs, dit le roi, nous vous invitons à présenter votre hommage auprince de Marbourg.
Il était là, debout à la droite du trône, le prince Hermann, fils aîné duroi. Trente-six ans, taille médiocre, la barbe châtaine et clairsemée, lefront dégarni, les traits fins, portant assez mal son uniforme de généralde division, il avait bien plutôt l'air d'un professeur d'université qued'un prince de maison guerrière.
Le défilé commença.
D'abord, la princesse royale Wilhelmine, sa beauté paisible et un peufroide un instant échauffée par une expression de joie et de triomphe.Arrêtée devant le prince son mari, elle le salua d'une de ces révérencesautrefois apprises dans la petite cour cérémonieuse de l'archiduc son pèreet dont elle avait scrupuleusement gardé les rites parmi la très sobreétiquette d'Alfanie.
A cette longue révérence, encore amplifiée par le déroulement du manteaude cour qui traînait derrière elle, le prince répondit par un souriretriste. Puis il prit la main de sa femme et la baisa.
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