Notes de transcription: Les erreurs clairement introduites par letypographe ont été corrigées. L'orthographe d'origine a étéconservée et, notamment, en ce qui concerne l'usage des ligaturespour les voyelles en allemand, qui dans leur langue d'origine sontécrits avec un tréma, p.e. «wæren» au lieu de «wären». La ligatureœ a été également conservée pour les mots qui en allemand neprennent pas de tréma, p.e. «Kœnig» au lieu de «Koenig».
DU MÊME AUTEUR
Le Boucher de Verdun, roman. 1 vol.
LOUIS DUMUR
ROMAN
PARIS
ALBIN MICHEL, ÉDITEUR
22, Rue Huyghens, 22
Tous droits réservés
IL A ÉTÉ TIRÉ
25 EXEMPLAIRES SUR PAPIER DE HOLLANDE
NUMÉROTÉS A LA PRESSE DE 1 A 25
ET 575 EXEMPLAIRES SUR PAPIER PUR FIL DES PAPETERIES LAFUMA
NUMÉROTÉS DE 26 A 600
Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptationréservés pour tous pays.
Copyright 1919, by Louis Dumur
Me trouvant l'an dernier en Suisse, j'eus l'occasion de causer avecquelques officiers allemands internés. L'un d'eux me parut assez naïf etmoins arrogant que les autres. Il me conta ses aventures. Mobilisé dèsle début de la guerre, deux fois blessé, il avait été fait prisonnier àVerdun. Il attendait avec impatience la fin des hostilités. Il avait, enPrusse, une famille qu'il désirait retrouver et une fiancée que, bienque fort détérioré, il comptait encore épouser. Je ne donne ici que lapremière partie de ses souvenirs. Elle se termine à la Marne et à sapremière blessure. Je n'userai point de la supercherie habituelle desromanciers qui, en pareil cas et se figurant qu'on les en croiredavantage, déclarent avoir reçu ou trouvé un manuscrit, rapporter motpour mot un récit ou l'avoir transcrit sous dictée. Je ne dirai rien nesemblable. Je ne prétends point reproduire, ni suivre pas à pas larelation de mon narrateur. Je me suis borné à prendre des notes. Aprèsquoi, me substituant à mon Boche, je raconte à mon tour son histoire, àma manière.
Qui m'eût dit, aux premiers jours de ce beau mois de juillet, alors queles bras de la Saale coulaient si mollement entre les prairies sous lesruines pittoresques du vieux château de Halle et que, tout le long de laPromenade, la bonne ville universitaire alignait ses maisons aux toitsroux, ses édifices studieux, ogivait les baies somnolentes de son Dom,disposait ses parcs, ses jardins, ses quinconces, tandis que le publicjoyeux circulait en vêtements clairs sur le Marktplatz, s'attardait auxétalages, emplissait les boutiques, s'attablait au restaurant Grün ou auRatskeller, que les casquettes des étudiants émaillaient de leurscouleurs bruyantes les tonnelles du Jægerberg et que les touristes etfeutres verts, affluant déjà de partout, peuplaient les hôtels,animaient les salles des musées ou passaient respectueusement devant lastatue de Hændel, qui m'eût dit que, peu de semaines plus tard, cepaisible séjour se bouleverserait tout à coup de rumeurs belliqueuses,retentirait d'appels aux armes et de chants de guerre, se hérisserait debaïonnettes et frémirait tout entier au roulement des tambours et sousle grondement régulier des trains militaires?
Tout fier d'avoir he