Jean Aicard

JÉSUS

PARIS
ERNEST FLAMMARION, ÉDITEUR
26, RUE RACINE, 26

A
MON GRAND-PÈRE
JACQUES AICARD
MORT
LE 29 SEPTEMBRE 1872

A MON GRAND-PÈRE

Avant d’aller dormir près de toi dans la terre,
J’ai voulu, pour ta joie, écrire ce Mystère,
Tel un pâtre ignorant, sur un morceau de bois,
De son couteau grossier sculpte un Jésus en croix,
Et j’ai fait ce travail, où se complut mon âme,
Grand-père, en souvenir de cette belle flamme
Que mon regard surprit vivante au fond du tien,
Quand, tourné vers l’Espoir, tu mourus en chrétien.

27 juillet 1895.

LES PÈLERINS
PRIÈRE DANS LE SOIR

Vers Emmaüs, à l’heure où la clarté finit,
Lentement, — ils devaient marcher soixante stades, —
Deux hommes cheminaient, causant en camarades…
Une Ombre, qui venait derrière eux, les joignit.
Disciples de Jésus, ils parlaient de leur maître
Que Magdeleine et Jean croyaient ressuscité.
Une Ombre maintenant marchait à leur côté.
C’était Jésus, mais rien ne le faisait connaître.
Il leur dit : « De quoi donc parliez-vous en marchant ?
Et pourquoi semblez-vous si tristes, pauvres hommes ? »
« Tristes, lui dirent-ils, tristes, oui, nous le sommes ! »
Et le son de leur voix était grave et touchant.
« Es-tu donc tellement étranger à la Ville,
Que tu ne saches pas notre malheur récent ?
Jésus de Nazareth, un prophète puissant,
Depuis trois jours à peine est mort d’une mort vile.
« Les sacrificateurs, les docteurs de la Loi,
Nos magistrats, l’ont tous condamné. Quelle honte
… Mais, toi, reste avec nous parce que la nuit monte…
Inconnu, nous aimons à causer avec toi. »
Or, depuis un instant, leurs paroles funèbres
Retombaient sur leur cœur, dans la nuit, lourdement
Un deuil affreux venait sur eux, du firmament ;
En eux, comme autour d’eux, tout n’était que ténèbres
Et dans l’abandon triste où les laissait le jour,
Vainement ils cherchaient, au ciel vide, une étoile ;
Ils voyaient l’étranger comme à travers un voile,
Mais ils sentaient en lui comme un attrait d’amour.
S’il s’éloignait un peu, leur cœur, empli de troubles,
Aussitôt amoindri, défaillait et pleurait…
S’il se rapprochait d’eux, tout contents en secret,
Ils se sentaient monter au cœur des forces doubles.
C’était alors en eux comme un flot de chaleur,
...

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