PAR
J. MICHELET
NOUVELLE ÉDITION, REVUE ET AUGMENTÉE
TOME NEUVIÈME
PARIS
LIBRAIRIE INTERNATIONALE
A. LACROIX & Cie, ÉDITEURS
13, rue du Faubourg-Montmartre, 13
1876
Tous droits de traduction et de reproduction réservés.
(p. i) Dix ans d'études données au Moyen âge, dix ans à laRévolution, il nous reste, pour relier ce grand ensemble, deplacer entre ces deux histoires celle de la Renaissance et del'âge moderne.
Ce volume est la Renaissance proprement dite, le suivant, qui vaparaître, s'appellera la Réformation. Ces titres nous dispensentde leur donner leurs chiffres dans la série totale.
Nous supprimons généralement les citations de livres imprimés quetout le monde a dans les mains. Nous ne citerons guère que lesmanuscrits.
Ayant marqué le point de départ et le but, en deux longueshistoires, nous marcherons d'un pas d'autant plus sûr et plus rapidedans l'espace intermédiaire.
Nous ne pouvions retourner de la Révolution à la Renaissance, sansrevoir nos travaux sur le Moyen âge, sans connaître et apprécier lespublications qui se sont faites depuis leur achèvement.
Elles n'ont modifié en rien ce que nous avons écrit sur le XIVe etle XVe siècles (tomes III, IV, V, VI, VII (p. ii) et VIII). Lesdix années qui se sont écoulées depuis n'ont en rien ébranlé cetravail, le premier où les textes imprimés aient été contrôlés parles actes manuscrits.
Quant à nos origines, dont le premier volume donne l'histoire, desavantes recherches y ont ajouté, peu changé toutefois. Telle nousavons posé la base de cette construction, telle nos estimablesconcurrents l'ont adoptée, et ils ont bâti dessus avec confiance.
C'est au Moyen âge proprement dit (volumes II et III, de l'an1000 à l'an 1300) que se rapportent généralement les nombreusespublications de textes inédits qu'on a faites dans cet intervalle.Elles nous ont fort éclairés sur les mœurs de ces temps, surl'art gothique, etc. Il n'est point de notre franchise d'effacerrien de ce qui est écrit. Nous aimons mieux donner, dansl'Introduction qu'on va lire, la pensée plus exacte qui sort destextes. Ce que nous écrivîmes alors est vrai comme l'idéal que seposa le Moyen âge. Et ce que nous donnons ici, c'est sa réalitéaccusée par lui-même.
Le résultat, au total, diffère peu. Alors (en 1833), quandl'entraînement pour l'art du Moyen âge nous rendit moins sévère pource système en général, nous déclarâmes pourtant que son principeétait sujet à la loi universelle de toute vie, qu'il devait passer,comme nous tous, hommes, peuples et religions, par l'utile (p. iii)épuration de la mort. Est-ce un si grand mal de mourir? À ce prix,on renaît en ce qu'on eût de meilleur.
Ce livre, au reste, n'est pas écrit pour faire peine aux mourants.C'est un appel aux forces vives.
Celle de l'antiquité tenait, je pense, à ce qu'elle crut que l'hommefait son destin lui-même (fabrum suæ quemque esse fortunæ). Cetemps-ci, au contraire, frappé des grandes puissances collectivesqu'il a créées, s'imagine que l'individu est trop faible contreelles. Ces temps-là crurent à l'homme; nous croyons àl'individu.
Il en résulte cette chose fâcheuse: nos progrès tournent contrenous. L'énormité même de notre œuvre, à mesure que nousl'exhaussons, nous ravale et nous décourage.