Le progrès se fait du général au particulier.Dans les organismes inférieurstout est dans tout, et l'organisme monte engrade, à mesure que s'opére la division dutravail.
Baer.
L'ethnographie, science nouveau-née, nous la comprenonscomme la psychologie de l'espèce, la démographieétant une physiologie et l'anthropologie représentantune anatomie en grand.
La démographie et l'ethnologie étudient les grandsfaits de la nutrition et de la reproduction, de la natalitéet de la mortalité, l'une dans l'homme physique,l'autre dans l'homme moral. La démographie compareles données statistiques, les met en série,trouve leurs accords et contrastes, découvre maintemodalité de la vie, inconnue ou mal connue jusque-là.Faisant des grands chiffres un instrument de précision,elle a, comme les pythagoriciens, pris pourdevise: Numero, pondere, mensurâ. L'ethnographie,elle aussi, a ses grands nombres: les mœurs et coutumes,les croyances et religions. Des tribus, peupleset nations, des siècles et encore des siècles, tellessont les quantités sur lesquelles elle opère; quantitésalgébriques, mais concrètes. Un usage, adoptépar des millions d'hommes, et continué pendant desmilliers d'années, vaut, en définitive, les milliardsd'individus qui l'ont pratiqué. Plusieurs de ces supputationsaboutiraient à d'énormes chiffres, dignesde ceux que l'astronome et le géologue manient avectant d'aisance.
On s'est trop habitué à regarder dédaigneusement,du haut de la civilisation moderne, les mentalités dutemps jadis, les manières de sentir, d'agir et depenser, qui caractérisent les collectivités humainesantérieures à la nôtre. Que de fois on les bafoue sansles connaître! On s'est imaginé que l'ethnologie despeuples inférieurs n'est qu'un amas de divagations,un fatras de niaiseries;—en effet, les préjugés paraissentdoublement absurdes quand on n'en a pasla clef;—on a fini par croire qu'il n'y a d'intelligenceque la nôtre, qu'il n'y a de moralité que celle quis'accommode à nos formules. Nous avons des manuelsd'histoire naturelle qui, divisant les espècesanimales et végétales en deux catégories, les utileset les nuisibles, affirment qu'en dehors de l'hommen'existe ni raison ni conscience; reprochent à l'ânesa stupidité, au requin sa voracité, et au tigre safureur. Mais qui sommes-nous donc pour le prendre,de si haut, vis-à-vis des faiblesses intellectuelleset morales de ceux qui nous ont précédés? Qu'onveuille bien y prendre garde, ces erreurs qu'a traverséesle genre humain, ces illusions par lesquellesil a passé, portent leur enseignement. Elles ne sontpoint des monstruosités, issues dans le vide, parl'effet du hasard; des causes naturelles les ont produitesen leur ordre naturel,—disons-le,—en leurordre logique. En leur temps, elles furent autant decroyances, qui passaient pour très bien motivées.Résultant de la disproportion entre l'immensité dumonde et l'insignifiance de notre personnalité, ellestémoignent d'un persévérant effort, marquent l'évolutionet l'adaptation de notre organisme à son milieu:adaptation toujours imparfaite, toujours améliorée.La série des superstitions n'est autre choseque la recherche de la vérité à travers l'ignorance.Les lunettes, le télescope, le microscope, l'analysespectrale, autant de corrections à l'insuffisance constatéede notre appareil visuel. Il n'y aura com